Des populations civiles en difficulté

L’heure des choix : priorité aux enfants et aux femmes

Les ambulancières de la Croix-Rouge française

     En mai 1940, la Croix-Rouge française doit faire face à l’exode qui survient en France. Suite à l’Armistice coupant la France en deux, beaucoup de familles ont été séparées. Elle intervient où cela est possible et où elle le peut. On compte environ dix millions de personnes qui transitent sur les routes.1

    La Croix-Rouge possède des automobiles qui sillonnent les routes pour récupérer, soigner et réconforter le maximum d’enfants et civils errants. Elle donne aussi, dans ces automobiles, les premiers soins aux blessés et transporte les morts.2

    Elle participe également au rapatriement d’enfants ou de malades qui ont été séparés de leur famille. Il faut tout de même attendre le 28 octobre 1940, quelques jours après les rencontres entre Laval et Hitler puis entre Pétain, Laval et Hitler pour qu’un convoi puisse passer de la zone libre à la zone occupée. Les infirmières de la CRF assurent entre zone libre et zone occupée des convois réguliers pour les enfants isolés, les malades et les personnes âgées. Entre 1941 et 1942, quatre-vingt-sept mille enfants et dix-huit mille quatre cent malades ou infirmes transitent entres les zones.

    L’action humanitaire mise en place par la Croix-Rouge ne s’arrête pas à la distribution d’aide alimentaire et vestimentaire. Elle cible son action auprès des femmes mais surtout envers les enfants. Suite à l’hiver 1939 qui est l’un des plus rudes, depuis 1881, les français se réfugient dans les gares où se concentre la majorité de l’action de la Croix-Rouge française, et ce jusqu’à la défaite de 1940. Elle y met en place des centres d’accueil. Ce sont essentiellement des femmes et des enfants qui transitent dans les gares à la recherche de soins ou de réconfort.

L’aide humanitaire de la Croix-Rouge française prioritairement accordée aux enfants

    Différents services dédiés aux enfants sont créés : par exemple, les Maisons des Petits Français qui permettent aux orphelins de trouver un refuge et d’être soignés. On en compte quinze, construites par le Secours national et gérées par la Croix-Rouge française.

    Le Secours National confie à la Croix-Rouge française les distributions de lait et alimentation de premier âge, ainsi que les distributions de layette (ensemble de linge destiné aux nouveau-nés) pour les nourrissons.3 Entre 1941 et 1944, la CRF investit soixante et un million de francs pour l’achat de layettes.

 La question des internés civils

     En plus du secours aux enfants et aux femmes, l’un des enjeux majeurs pour la Croix-Rouge française pendant la Seconde Guerre Mondiale est celui du secours aux internés civils dans les camps d’internement. A partir de 1941, des permanences de la Croix-Rouge française sont établies dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, puis dans le camp de Drancy en septembre 1941. On y distribue du linge, des couvertures pour l’infirmerie, des suppléments alimentaires (farine, pâtes…) mais les quantités autorisées restent très limitées. Les assistantes sociales de la Croix-Rouge française tentent d’améliorer l’ordinaire du camp, mais surtout de structurer les relais d’entraide. En effet, la distribution des colis ou de nourriture entraîne parfois des mouvements de violence entre les internés. On compte environ cinquante-sept mille ouvrages et colis remis dans les camps et les prisons entre 1940 et 1944 par la Croix-Rouge française.4 

La Croix-Rouge française dans les camps d’internement

    Elle possède encore le droit d’intervenir au mois de juillet 1942, lors des importantes arrestations de juifs, en assurant un service médical et d’assistance au Vélodrome d’Hiver ainsi que dans les camps de Beaune-la-Rolande ou Pithiviers. Une douzaine d’infirmières se relaient par équipes de quatre pendant huit jours. L’une d’entre elles témoigne vingt ans plus tard : « La démence et le désespoir qui régnaient n’ont pas cessé de me hanter. J’en ai rêvé et j’en rêve encore ».5 De plus, le nombre de médecins et infirmières, ainsi que les denrées alimentaires sont très insuffisants.

    Les conditions de détention dans le Vélodrome d’Hiver sont très difficiles. En plus d’un manque de nourriture et d’eau, il y a un grand manque d’intimité, mais surtout de gros problèmes d’hygiène. Les infirmières et médecins de la Croix-Rouge française sont abasourdis pas ces conditions de détention. Une infirmière de la Croix-Rouge française présente dans le Vélodrome du 16 au 19 juillet 1942 témoigne de la misère de la population : « Nous manquions du nécessaire et ne pouvions guère que soutenir le moral de tous ces hommes, femmes et enfants arrêtés à leurs domiciles, dans la rue et même dans les hôpitaux où ils étaient en traitement. Aucune installation sanitaire, pas de lavabos, ni de WC. L’eau était coupée […] beaucoup de malades contagieux, surtout parmi les enfants. »6

    Pourtant, en septembre 1942, la permanence sociale du camp de Drancy est supprimée et les autorités allemandes décident que l’aide accordée aux Juifs sera désormais assurée par l’UGIF (Union Générale des Israélites de France ).7

Une action remise en cause ?

      La Croix-Rouge française intervient aussi dans les camps et auprès des  déportés : ce que certains français lui reprochent à la Libération, c’est de ne pas avoir dénoncé les conditions de détention dans les camps d’internement. En effet jusqu’en automne 1944, le CICR ne dénonce pas formellement les camps d’internement et d’extermination gérés par les Allemands dans l’Europe occupée alors qu’il est au courant de ce qui s’y passe.

    Le monopole des appels à la générosité publique donné au Secours National par une loi le 4 octobre 1940, a créé une vive tension avec la Croix-Rouge française. En effet, celle-ci répond à ses besoins financiers par les seuls dons et cotisations de ses membres. Le Dr Louis Bazy, adresse le 30 décembre 1941, une lettre au ministre de la Santé publique, où il regrette le monopole donné au Secours National : « Il en est résulté des incidents qui n’ont pas été sans retentir sur la bonne marche de la Croix-Rouge et provoquer parmi ses membres un certain découragement. […] Au reste, le caractère international de la Croix-Rouge implique qu’elle doit être assurée de la plus stricte neutralité. On pourrait, au-dehors, douter de cette neutralité nécessaire si l’on pouvait supposer que la Croix-Rouge ne jouit pas, dans son propre pays, d’une indépendance totale. L’indépendance de l’action n’est possible que dans l’autonomie financière. »8

    En plus d’être affectée par la tutelle des pouvoirs publics et la dépendance financière vis-à-vis du Secours National, la neutralité de la Croix-Rouge française est également altérée par l’occupation allemande. Le Maréchal Pétain a toujours privilégié le Secours National par rapport à la Croix-Rouge française. Début 1941, une note venant cabinet du maréchal indique que désormais, le Secours national doit se mettre au service de la propagande du régime de Vichy. Ainsi jusqu’à la Libération, toutes les affiches, films, reportages radio consacrés au Secours National sont associés à l’image du chef de l’Etat.9

Rédactrice : BELLONCLE Marine

1 http://www.croix-rouge.fr/Actualite/140-ans-d-engagement/Les-guerres-mondiales-747 Site officiel de la CRF, résumé de ses actions pendant la Seconde Guerre Mondiale

2 Fréderic PINEAU, La Croix Rouge Française, 150 ans d’histoire , Paris, Autrement, 2014, page 111

3 Frédéric PINEAU, Ibid

4 Gérard CHAUVY, La Croix Rouge dans la guerre 1935-1947, Paris, Flammarion, 2000

5Claude Lévy et Paul Tillard, La Grande Rafle du Vel’ d’hiv’, Paris, Robert Laffont, 1967, 1992, p. 81.

6 « Les rafles des 16 et 17 juillet 1942 », témoignage de Mlle Mattey-Jenais, Le Monde Juif, n°12, 1967

7 Denis PESCHANSKI, La France des camps, l’internement 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002, page 241

8 http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=VING_101_0149, Jean-Pierre LE CROM, dans la revue Vingtième siècle. Revue d’histoire, Janvier 2009 n°101. Elle porte sur la remise en cause des actions de la Croix Rouge Française pendant la Seconde Guerre-mondiale.

9 Jean-Pierre LE CROM, ibid