Les moyens mis en place en 1944 et les difficultés d’intervention
Le nombre de bénévoles au sein de la Croix-Rouge en 1944 est conséquent. On dénombre 635 000 membres en zone Nord pour une population de 28 100 000 habitants, soit 2,25% de la population et 409 000 membres dans la zone Sud pour une population de 13 600 000 habitants, soit 3% de la population. Donc au niveau national c’est 2,5% de la population, soit 1 million de personnes qui sont membres bénévolement ou non de la Croix-Rouge sur une population totale de 41 700 000 habitants.1 Les dépenses sont elles aussi importantes. En 1944, la Croix-Rouge a dépensé 750 millions de francs depuis 1941. Alors qu’avant la guerre ses dépenses annuelles étaient de 60 millions de francs2.
Malgré ces colossaux moyens financiers et humains, la Croix-Rouge peine à intervenir sur le terrain lors de la Libération comme en témoigne une infirmière de la Croix-Rouge dans l’Orne qui note dans son journal le 14 aout 1944 lors de la reprise des combats : « Pour l’évacuation, ni autos, ni voitures à chevaux. Nos deux internes et quelques équipières l’effectueront en charrette à bras (…). Tout l’après-midi, à l’hospice, nous soignons des blessés français et allemands. On constate aussi des morts (…). Les tirs d’artilleries deviennent plus intenses. On commence à faire des calculs pour aller à la pompe ou circuler d’un pavillon à un autre. »3 A l’aide de ce témoignage il est facile de percevoir le manque de moyens matériels plus important à la fin de la guerre qu’en son début ainsi que les difficultés d’interventions en plein combat.
La Croix-Rouge vient en aide aux populations lors de la libération
En effet, en 1944, il existe de nombreux postes de secours créés, soit en toute hâte et de façon confuse, soit des postes de secours présents depuis le début de la guerre et donc bien organisés mais qui sont plus fortement sollicités durant l’année 1944. Comme dans le premier arrondissement par exemple.
On dénombre ainsi 17 postes de secours dans tout l’arrondissement en 1944. L’un d’entre eux, situé dans le hall de la Comédie française, place du Palais Royal, est lors de la libération de la capitale l’un des plus dynamique, ce qu’ André Meunier exprime en déclarant : « C’était l’un des plus actifs des 17 postes de l’arrondissement, dans lequel nous avons relevé plus de 800 blessés et 80 morts »1
Les sections de conductrices ambulancières de la Croix-Rouge française, existant depuis 1939, font elles aussi partie des nombreuses autres sections de rapatriement mobilisées de nouveau à la libération de la France. Toutes ces femmes sont volontaires et souvent très jeunes. Elles ont pour mission de prendre en charge les rescapés des camps les plus touchés et les plus faibles physiquement. Durant plusieurs mois les ambulances de la Croix-Rouge française font des allers-retours de plusieurs centaines de kilomètres par jour entre les anciens camps de détention et les points de ralliement sanitaires.
Bilan de la Croix-Rouge à la fin de la guerre
En plus des postes de secours, il existe en France sept centres sanitaires ayant œuvré toute la guerre pour venir en aide aux populations civiles. Lille, Metz, Lyon, Aix-les-Bains, Lixeuil et les centres maritimes de Dieppe et Ville-franche. Lors de la fin de la guerre, après l’armistice du 8 mai 1945, les effectifs sont comptabilisés. On dénombre au total dans les 7 centres : 124 infirmières, 40 assistantes sociales, 93 secouristes et 400 brancardiers. Mais près des deux tiers des effectifs des sept centres sont regroupés dans les centres sanitaires de Lille, Lyon et Metz avec un total pour ces 3 centres sanitaires de 90 infirmières, 30 assistantes sociales, 75 secouristes, 240 brancardiers.5
Il est aussi important pour terminer ce bilan de mentionner, ces hommes et ces femmes décédées pour la Croix-Rouge dans l’exercice de leur fonction. Qu’ils soient bénévoles ou non. Comme par exemple Pierre Chatenet et Jean Cazard, qui ont respectivement 17 et 18 ans. Ils appartiennent aux équipes d’urgence de la Croix-Rouge et ils sont tués le 19 aout 1944. Ou encore Madeleine Brinet qui, à 29 ans, est aide médico-sociale aux équipes d’urgence de la Croix-Rouge et qui meurt le 24 aout 1944. Malgré ces nombreuses vies sacrifiées, le dynamisme continue pour le rapatriement des rescapés des camps.
1 Gérard Chauvy, la Croix-Rouge dans la guerre 1935 – 1947, Paris, Flammarion, 2000, 401 pages
2 Le Crom Jean-Pierre, « La Croix-Rouge française pendant la Seconde Guerre mondiale », Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, 2009, numéro 101, p 149-162
3 Gérard Chauvy, op.cit
4 La Croix-Rouge française, « Aout 1944, libération de Paris, le poste de secours de la Comédie française », site de la Croix-Rouge française, 25 aout 2014
5 Croix-Rouge française, assistance aux prisonniers de guerre, internés civils, déportés-rapatriés de 1940 à 1945, La Croix-Rouge, p86
Rédacteur : Blatché Ludovic