Le milieu du XIXe siècle est propice à l’éclosion d’idées charitables. En effet, les diverses améliorations technologiques dans l’armement causent plus de blessures graves. Ces « avancées » coïncident avec le retour en Europe de conflits particulièrement meurtriers comme la guerre de Crimée (1853-1856), ou la deuxième guerre d’indépendance italienne en 1859. Cette violence émeut d’autant plus l’opinion publique que les services de santé des armées apparaissent impuissants à y faire face.
La bataille de Solferino, le 24 juin 1859, est le conflit européen le plus violent depuis Waterloo. Henry Dunant, homme d’affaires et humaniste suisse, témoigna suite à ce déferlement de violence dans Un souvenir de Solferino. Les idées qu’il y exprima sont à l’origine de la Croix-Rouge. En effet, suite à la parution de l’ouvrage en 1862, une commission fut créée dans le but d’examiner ses idées. A la différence des autres philanthropes du XIXe siècle, les membres du Comité international de Genève ont réuni des conditions inédites jusqu’alors : la permanence du mouvement, la signature d’accords internationaux et la neutralité qui leur confère un statut particulier en cas de conflit. La Croix-Rouge débute dans l’indifférence générale, mais en bénéficiant d’une aide que les puissants lui accorde.
BOSSOLI Carlo (1815 – 1884), La prise de Solferino, décembre 1859, huile sur toile, 23 x 16 cm, Museo Nazionale del Risorgimento, Turin
Suite à la bataille de Solferino, la Croix-Rouge doit faire face à de nouveaux besoins et élargir son champ d’action. Pour cela, la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne est signée le 22 août 1864 entre douze États. Elle a pour but de secourir les blessés sans considération d’appartenance nationale.
DUMARESQ Armand (1826 – 1895), La signature de la Convention de Genève – 1864, 1870, huile sur toile, Salle de l’Alabama de l’Hôtel de Ville, Genève
La Société française de Secours aux Blessés Militaires connaît son baptême du feu avec la guerre franco prussienne de 1870. Ce conflit met à l’épreuve la convention, notamment le principe de neutralité car beaucoup ne comprennent pas que l’on puisse soigner les blessés du camp adverse. De plus, la Croix-Rouge est peu préparée et dispose de peu de moyens : elle ne peut, par exemple, envoyer que 16 ambulances à la veille de la guerre. Néanmoins, ce conflit permet aux sociétés nationales de s’entraider et d’élargir les compétences du Comité international.
Le développement de la guerre maritime et l’enchaînement de batailles navales de grande envergure depuis la fin du XIXe siècle obligent la Croix-Rouge à diversifier ses actions et à rajouter de nouveaux articles dans la convention : elle met en place des navires hôpitaux et des hydravions sanitaires. L’apparition des premiers sous-marins amène à la rédaction finale en 1893 de la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer. L’organisation va ainsi devoir s’institutionnaliser pour durer dans le temps, notamment par la création du CICR.
Lorsque le CICR voit le 17 février 1863, il propose deux innovations : un projet à portée universelle et une modification des relations internationales. Dans ce nouveau schéma, les échanges ne se font plus de nation à nation, mais d’un petit groupe d’individus à un État. Cette prétention de la part d’un comité issu d’un petit canton suisse sauve pourtant à différentes reprises le mouvement. En effet, bien que sujette aux critiques, l’origine genevoise de tous les membres du comité assurera une unité à l’association face à l’affirmation nationale.
Portraits de cinq membres fondateurs du Comité international de la Croix-Rouge, 1863
La première convention de Genève renforce le prestige du CICR qui prend alors un poids important sur la scène européenne, tant sur le plan moral que politique. Pour la première fois, des membres d’une société civile réussissent à organiser et à mettre en action un mouvement à portée internationale. Ceci s’explique notamment par un contexte favorable aux initiatives charitables, à la neutralité de Genève et aux relations nouées avec différents interlocuteurs regroupés dorénavant au sein des sociétés nationales de la Croix-Rouge. Le CICR, servant de lien entre ces associations, s’est vu conforté dans sa position grâce à l’entrée de nouvelles sociétés jusqu’en 1914. Malgré cette visibilité, les sociétés nationales manquent à l’époque de financement, leurs réseaux étant peu développés, le matériel insuffisant et le personnel se résumant souvent aux cadres.