Les prémices de la Croix-Rouge dans le Tarn (1864-1940)

La Société de Secours aux Blessés Militaires, garante de la couverture du territoire français (1864-1889)

À la suite de la fondation du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) en 1863, Henri Dunant a participé à la création de la Société de Secours aux Blessés Militaires (SSBM), la société nationale de la Croix-Rouge française. La SSBM a été fondée pour répondre à des objectifs précis, c’est-à-dire de préparer des secours en cas de conflit et d’encourager l’invention et l’optimisation du matériel médical afin de soulager les souffrances des hommes. Le développement du nouvel organisme est rapide.

Logo de la Société de Secours aux Blessés Militaires

En effet, six ans après sa fondation, il y a 400 comités en France en 1870. Le 31 décembre 1870, l’État français, alors en pleine guerre contre la Prusse applique le décret Gambetta, qui régule les sociétés qui ont pour but de soulager les militaires. Toutes les sociétés sont mises sous la direction de la SSBM. C’est par l’intermédiaire de l’État que la SSBM obtient les pouvoirs sur toutes les sociétés qui ont la même mission qu’elle. Cette centralisation et cette intervention du pouvoir étatique a pour but de coordonner et d’harmoniser les actions afin qu’elles aillent dans le même sens. Cette confiance de l’État français à l’égard de la SSBM ne se dément pas puisque le 2 Mars 1878, un décret institue la promeut auxiliaire du service de santé de l’armée. La société voit s’accroître son influence et continue à se développer sur le territoire français en créant de nouveaux comités et en modernisant ceux qui sont déjà en place. Au départ, l’implantation des comités s’est faite en priorité dans les grandes villes, et près des frontières (allemandes notamment) afin d’apporter un appui à l’armée.

Parallèlement au développement de la SSBM, une autre association, celle des dames françaises voit le jour en 1879. Elle est, elle aussi, placée sous l’égide de la Croix-Rouge. La SSBM n’est donc plus seule représentante sur le territoire hexagonal de la Croix-Rouge. En 1881, une troisième société Croix-Rouge est créée en France avec l’Union des Femmes de France. Il y a donc trois sociétés Croix-Rouge sur le territoire, qui ont à peu près les mêmes objectifs.

Cela crée une forme de concurrence et parfois de redondance car les sociétés ont continué leur développement selon leurs propres politiques. car en effet, malgré leurs liens avec le CICR, chaque société est indépendante des autres. Néanmoins, même si leurs objectifs sont relativement semblables, quelques particularités distinguent les trois associations. La SSBM, comme son nom l’indique, est davantage tournée vers les soins aux blessés militaires. L’UFF intervient surtout auprès des civils et l’ADF est plutôt tournée vers la formation aux soins. Le rôle des femmes est particulièrement important pour ce qui est des deux dernières associations.

C’est donc dans ce contexte que ces sociétés commencent leur développement dans le Tarn.

L’installation progressive des premiers comités tarnais (1889-1918)

A la fin du XIXe siècle, la « délégation » tarnaise de la Croix-Rouge est donc administrée par la SSBM (Société de Secours aux Blessés Militaires) dans le cadre de la 17e Région militaire, celle-ci comprenant l’Hérault, l’Aude, des Pyrénées-orientales, l’Aveyron et la Lozère. La SSBM connaît des débuts difficiles dans le département. Elle s’installe dans un premier temps à Albi en 1889 mais aucune activité ne se développe réellement et aucun comité ne se forme durablement. En revanche, en 1892 l’Union des Femmes Françaises réussit, elle, à s’implanter à Albi de façon plus pérenne. En 1895, un comité de la SSBM amorce sa création à Castres. Il compte, en 1898, 25 hommes et 20 dames. C’est donc 34 ans après sa fondation que la SSBM, parvient à perdurer dans le Tarn. L’action se concentre seulement au niveau local, autour de Castres. En 1907 un second comité SSBM est créé à Mazamet dans le sud du département.

C’est cette même année qu’un rapprochement au niveau national s’effectue entre les trois associations de la Croix-Rouge. En effet, l’Union des Femmes de France, l’Association des Dames Françaises et la Société de Secours aux Blessés Militaires sont placées sous la direction d’un comité central afin d’optimiser leurs services, il y a donc des délégués des trois associations. Ce comité central est composé de huit membres : quatre membres pour la SSBM, deux membres pour l’UFF et deux membres pour l’ADF. La SSBM a davantage de membres, car l’association est alors plus ancienne et surtout plus importante. Ce rapprochement s’est fait sous l’impulsion de la présidente de l’UFF, Suzanne Pérouse. Ce comité permet officiellement aux trois associations d’échanger et de s’entraider pour atteindre des buts communs. On peut penser que ce rapprochement s’est fait pour améliorer les services et pour atténuer la possible concurrence entre les trois organismes de la Croix-Rouge en France, même si les trois associations restent toujours indépendantes des unes des autres à tous les niveaux.

Dans le Tarn, on note que deux des trois sociétés sont présentes, avec une sur-représentation de la SSBM : sur les six comités de la Croix-Rouge du Tarn avant la fusion des trois sociétés en 1940, quatre sont des comités SSBM (Castres, Mazamet, Lavaur et Sorèze) et deux autres sont UFF (Albi et Sénouillac). L’ADF n’a pas de comité dans le département, néanmoins l’association se portait davantage vers un rôle de formation des infirmières, il n’est pas exclu de penser que des formations aient été dispensées dans le Tarn par l’ADF.

En 1913, le dernier comité créé avant guerre par la SSBM prend place à Lavaur. Avec le déclenchement de la guerre, les comités de Castres et de Mazamet prennent une importance considérable avec la mise en fonctionnement de deux hôpitaux auxiliaires, respectivement le 8 septembre et le 12 septembre 1914.

Dortoir de l'hopital auxiliaire de Mazamet Le jeune comité de Lavaur fait de même en 1916. La Grande guerre accroît l’influence de ces comités dans le Tarn. Pour mener à bien leurs missions. Ces comités doivent s’autofinancer et compter sur le soutien à la population (cotisations des membres, quêtes dans les villes). L’état des sources disponibles laisse penser que les comités fonctionnent indépendamment les uns des autres et sont concentrés dans leur champs d’actions respectifs. Les comités tentent de développer leurs capacités d’accueils en direction de personnes nécessitant des soins ou de l’aide (augmentation de lit, salles de soins etc..)

Le développement des comités pendant l’entre-deux-guerres : le choix d’un soutien plus marqué à la population (1918-1940)

Après la Première Guerre mondiale, les comités Croix-Rouge doivent forcément réorienter leurs actions et leurs priorités. Le choix est fait de se tourner davantage vers le soutien à la population, avec un programme avant tout sanitaire, de lutte contre les maladies. Ce programme s’applique à tout le département et mobilise chaque comité. On peut noter deux ouvertures après la guerre, en 1926 et 1927 avec les comités d’Albi et Sorèze (SSBM).

Outre ce programme sanitaire, les comités reprennent leurs activités normales et les d’actions qui leur sont propres dans les années 1930.

En 1934, le lien entre la SSBM et les autorités locales en matière sanitaire et sociale se renforce encore. Le 19 juillet, un dispensaire-école s’ouvre ainsi à Castres pour appuyer le dispensaire municipal. À Mazamet, le comité est en constant essor grâce à son dispensaire antituberculeux, ouvert au lendemain de la Grande Guerre et qui deviendra aussi par la suite un dispensaire d’hygiène sociale en 1928.

Un cours destiné aux élèves infirmières est ouvert à Mazamet cette même année, subventionné par la mairie et la chambre de commerce du Tarn. Après la démobilisation, le comité de Lavaur préfère lui conserver ses missions d’origine en apportant son aide aux blessés militaires alors très nombreux. Même s’il va peu à peu s’adapter et organiser à son tour des cours d’infirmières auxiliaires en 1932.

Bien que les délégations s’orientent vers des objectifs de plus en plus précis, c’est en 1930, lors des inondations dans le Tarn qu’elles se mobilisent le plus pour soutenir les sinistrés, prévenir les maladies, ouvrir des refuges etc. Il est difficile de s’imaginer à quel point ces inondations ont été violentes. Sur la photographie ci-dessus l’eau est neuf mètres au dessus de son niveau habituel. Les comités sont donc solidaires et s’organisent ensemble. Ces événements valent aux comités de la région la sympathie de la population tarnaise, ainsi que des récompenses décernées par le conseil central de la SSMB à Paris qui les félicite pour leur réactivité.

Dans les années 1930, quatre des six comités réussissent à organiser un hôpital auxiliaire en prévision d’une guerre de plus en plus plausible. (Castres, Mazamet, Sorèze, Albi).

Ainsi les délégations dans le Tarn continuent jusque dans les années 1940 à agir en indépendance tout en gardant contact afin de réaliser des objectifs communs à l’échelle départementale.

La SSBM disparaît lors de la loi du 7 août 1940 pour fusionner avec l’Association des Dames Françaises (ADF) et l’Union des femmes de France (UFF) pour fonder la Croix-Rouge française. Ainsi les différents comités tarnais sont-ils placés sous une direction unique et ne sont plus scindés en trois organismes.

C’est donc une seule et même association qui va désormais reprendre les diverses missions des comités originaux, inaugurant une centralisation destinée à gérer au mieux les comités et les différents volets de leurs actions.

 Pour récapituler, avec la création de la SSBM en 1864, la France avait à disposition un moyen supplémentaire pour aider l’armée au niveau des soins. On peut supposer que les grandes villes et les zones frontalières ont été les premières à posséder des comités de la Croix-Rouge. Au fil des années, la SSBM s’est ancrée plus profondément dans le territoire. Néanmoins, pour ce qui est du Tarn, la reconaissance a mis du temps à venir, la première tentative en 1889 échouant par manque d’intérêt de la population pour l’organisation. Mais les besoins de soutien sont arrivés surtout après la Grande Guerre. Tout d’abord au niveau du soutien de l’armée suite à la guerre, ensuite au niveau sanitaire avec diverses maladies dans les années 1920 et enfin au niveau du secours d’urgence en réponse aux inondations du Tarn en 1930. 

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