L’affirmation de la Croix-Rouge Française (1940-1980)

La Croix-Rouge du Tarn face aux difficultés de la Seconde Guerre mondiale (1940-1945)

Le 22 juin 1940 la France capitule face à l’Allemagne. L’armée française essuie d’importantes pertes, les soldats français sont principalement fait prisonniers (plus d’un million). Ainsi, la Croix-Rouge française participe à l’aide apportée aux prisonniers en envoyant notamment des colis tout les mois . Comme les autres comités français, celui du Tarn se mobilise en faveur des prisonniers du département. Les archives montrent que ces aides ont rapidement été mises en place. En effet, le 27 Août 1940 les comités tarnais envoient 221 colis et le 23 septembre 1940, 499 autres. 

Fonds du Comité de Castres : "Prisonniers de guerre - 1940-41"
Tableau montrant le nombre de colis envoyés selon les comités Tarnais.

La Croix-Rouge tarnaise sait mobiliser d’autres organisations caritatives. On sait ainsi que le diocèse d’Albi a versé à la Croix-Rouge la somme de la quête de toutes les églises du département du dimanche 6 octobre 1940, afin de financer l’envoi de colis. Ces envois sont réglementés par l’occupant : en ce qui concerne la fréquence des envois, elle est soit d’un colis postal de un à cinq kg par mois ou de deux colis de deux kg par mois. Cependant, ces règles diffèrent selon l’endroit où se trouvent les prisonniers. La Croix-Rouge sert donc d’intermédiaire entre les prisonniers et leurs familles.

Peu de temps après la fusion des trois associations en 1940, la Croix-Rouge française crée une direction du service social. Il s’agit d’une direction qui englobe toutes les actions sociales, notamment en faveur de l’enfance et de la jeunesse, du secourisme. On le sait, la Croix-Rouge française joue un rôle crucial pour les populations et les armées dans les conflits. Le service de défense passive (la protection des civils en cas de guerre) est alors bien mis en place. Mais, la France étant occupée et devant payer quotidiennement de lourdes indemnités d’occupation qui affectent considérablement la population, la Croix-Rouge dirige de plus en plus ses actions vers une assistance sociale. La Croix-Rouge associe donc l’aide sociale aux populations occupées à l’aide aux prisonniers. Ce volet est renforcé par l’arrêté ministériel du 7 juillet 1943 qui rattache le Comité Central d’Assistance aux Prisonniers de Guerre en Captivité (CCAPG) à la Croix-Rouge française.

Le département du Tarn reste une zone libre jusqu’en 1942 mais est il concerné par la dégradation générale du niveau de vie des Français puisque les denrées alimentaires sont saisies pas les Allemands ; les tickets de rationnement ne suffisent pas à maintenir un niveau correct d’alimentation, notamment en ville. Ceux qui n’ont pas les moyens de approvisionner sur le marché noir souffrent beaucoup. D’autre part, plus de 4 000 Tarnais sont réquisitionnés pour aller travailler en Allemagne, ce qui réduit d’autant les forces vives du département. La population, du Tarn, comme dans toute la France de Vichy, souffre d’un chômage forcé qui est exercé sur les entreprises locales afin de favoriser l’industrie allemande, qui peut donc embaucher des ouvriers français. Des centres d’accueil sont créés à partir de 1940, pour soulager la population. Ils sont installés soit à l’initiative de la population, soit à celle des comités Croix-Rouge à Albi, Castres Gaillac, Rabastens et dans la région de Carmaux. Ils ont pour but de venir en aide aux familles des déportés, mais également de mener des actions centrées sur les civils et les prisonniers de guerre. La Croix-Rouge voit ainsi son rôle premier non plus tourné vers l’aide aux soldats en combat, mais vers une aide de plus en plus sociale et ciblant une plus large population, à savoir une majorité d’habitants souffrant des pénuries liées à l’occupation. La Croix-Rouge joue également un rôle dans la lourde tâche du recensement des victimes civiles et des déportés.

Fonds du Comité de Castres :  "Victimes civiles 1939-45-Vabre, Lacaune"
Une liste de victimes

La Croix-rouge de Castres a également ouvert en 1940 une cantine de gare, dont le service était réservé aux militaires en permission, mais qui finit par servir également les cheminots.

Fonds du Comité de Castres ; "Cantine de guerre - 1940"
L’utilisation des cantines de gare.

La Croix-Rouge du Tarn et la Reconstruction

Après la Seconde Guerre mondiale, dans le sillage d’une ONU proactive sur le terrain de l’aide aux populations et de la reconstruction du monde, la Croix-Rouge dispose d’un crédit et d’une renommée internationale. Cela lui  lui permet d’attirer de nombreux bénévoles et de renforcer ses rangs. De nouveaux comités sont ainsi créés dans le Tarn à la sortie de la guerre, comme à Gaillac, à  Graulhet et à Réalmont en 1945 [Annexe carte et tableau comité tarnais]. Car si la France est libérée, le pays subit encore longtemps les séquelles de la guerre : 2,5 millions d’immeubles sont détruits ou endommagés, 20 000 km de voies ferrées inutilisables, le rationnement de nourriture continuera jusqu’en 1949. Il faut reconstruire une bonne partie du pays, relancer l’appareil productif bien endommagé et surtout venir en aide à la population qui en a grand besoin. Des raids aériens avaient détruit de nombreuses infrastructures comme les gares où les centres de triages. Les régions sous Vichy ont connu une quasi-autarcie économique, coupées même du nord de la France durant l’occupation. Une désertification des campagnes s’opère, changeant grandement la structure sociale du Tarn, principalement rural. La Croix-rouge doit donc faire face aux conséquences de la Guerre, et s’adapter en même temps à une société en pleine évolution. Des milliers de fournitures sont a dispositions de ceux qui en ont besoins : vêtements, nourriture, médicaments, et tant d’autres articles

Face à ce désastre, la Croix-Rouge continue à aider les familles et les soldats prisonniers à entrer en contact quand ceux-ci mettent du temps à revenir. Elle aide à leur rapatriement et à la recherche des disparus. L’association a également en charge des nombreux orphelins de guerre, qu’elle accueille et soigne. L’association s’ancre de plus en plus dans le paysage associatif d’aide sociale et de secours. Ceci est illustré par des films comme D’Homme à homme en 1948 qui commencent à populariser la figure du père fondateur Henri Dunant comme le maître à penser d’une action sociale du Tarn et d’ailleurs.

Certains comités qui apparaissent alors sont liés aux conséquences de la guerre, offrant une réponse à des besoins urgents de la population. Ces comités, pour certains d’entre eux, ont duré et existent encore aujourd’hui. Ce n’est pas dû à un besoin d’expansion de la part de l’association mais réellement à un besoin de reconstruction d’après guerre. Tous ces comités ont pour but de venir en aide aux populations les plus faibles et dévastées ; c’est réellement une politique d’effort de guerre pour répondre aux appels de détresse qui ont ancrer les comités dans le Tarn.

La Croix-Rouge du Tarn, et les conséquences de la décolonisation

Alors qu’en Europe la Seconde Guerre mondiale s’achève, un nouveau théâtre d’opération apparaît en Asie avec la Guerre d’Indochine qui débute en 1946. Aussitôt, la Croix-Rouge se mobilise, ne mission, envoyant dès mai 1945 une mission en Inde pour apporter une aide médicale et morale aux troupes françaises ayant fuit l’Indochine, alors colonie française. Cette équipe se rend ensuite à Hanoï (capitale du Viêt Nam) où elle aide les comités locaux jusqu’en 1947. Une équipe plus importante retourne ensuite en Indochine où elle reste jusqu’en 1954, à la fin de la guerre.

La Croix-Rouge française organise alors l’envoi de colis de secours pour les militaires sur place, en lien direct avec la Croix-Rouge de Saïgon, poumon économique et plus grande ville du Viêt Nam. Ces colis étaient financés par les dons des familles, ou alors par les fonds des comités français. Il y avait bien entendu l’envoi de matériel médical, ainsi que des envois de vêtements en quantités importantes : ainsi, ce sont 12 tonnes qui sont envoyées au 5 novembre 1950 ainsi que de couvertures. Ces colis pouvaient être individuels, c’est-à-dire que des familles pouvaient envoyer des produits spécialement pour leurs proches, ainsi que des lettres qui étaient au nombre de 4 000 en novembre 1950. Certains comités tarnais comme celui de Castres ont aidé certaines familles, comme en témoignent les archives locales.

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Envoi de colis à deux soldats par le comité de Castres

 

En 1951, nous avons ainsi trace d’une circulaire gouvernementale adressée aux comités locaux français et demandant à ces derniers de ne faire plus que des envois d’argent, jugeant que les combattants étaient assez pourvus en matériel de première nécessité.

En 1952, on voit se créer un Office du Prisonnier, qui a pour but de recueillir les renseignements sur les soldats prisonniers en Indochine et de faire parvenir ces renseignements aux familles. De plus, il s’occupe d’assurer la correspondance entre familles et prisonniers et l’envoi de colis familiaux.

On voit ici très bien l’implication importante de la Croix Rouge française et tarnaise dans le conflit d’Indochine, par le volume de matériel envoyé (12 tonnes). Néanmoins, tout cela était très encadré. Le siège central se chargeait d’acheminer les colis.

Alors que l’épisode en Asie se termine, un autre conflit débute en Algérie.

Le 1er novembre 1954 le Front de libération national algérien appelle à l’insurrection. La Croix-Rouge française était présente dans la colonie dès 1870 et son rôle était surtout lié à l’aide médicale et sociale. Avec les « événements » (en réalité une véritable guerre), l’association renforce son action en Algérie pour venir en aide à la population.

Camion dispensaire de la Croix-Rouge française – Alger

Néanmoins, son intervention reste assez limitée puisque une grande partie des membres du conseil d’administration provenait des pouvoirs publics, ce qui engendrait des conflits d’intérêts. Nous n’avons pas de documents précis sur le rôle de la Croix-Rouge tarnaise pendant ce conflit, sauf pour ce qui concerne la fin des évènements et conflit et le rapatriement des Français d’Algérie. Néanmoins, on peut supposer que l’action de l’organisation dans ce théâtre d’opération fut semblable à celle de la guerre d’Indochine : l’association envoyait sans doute du matériel de soutien aux soldats en Algérie.

A compter de mai 1962, les établissements de la Croix-Rouge française présents en Algérie sont contraints de fermer. Certains sont réquisitionnés par les autorités et le personnel européen est donc licencié. D’autres le sont pour des raisons de sécurité ce qui pousse les bénévoles au départ et au retour en France. La Croix-Rouge française n’en oublie pas pour autant le sort des rapatriés (1 000 000), particulièrement des Harkis, sur le territoire français et s’y intéresse de très près par le biais de ses comités locaux comme celui de Castres. Ces rapatriés arrivent massivement dans le sud-ouest de la France, mais également dans les régions bordelaise et parisienne. Un comité d’accueil des rapatriés d’Algérie a en effet été crée le 29 Mai 1962 à Castres. Une forte solidarité se met en place entre les différents organismes présents à Castres autour du maire d’alors, Lucien Coudert, toujours sous l’autorité de la Croix-Rouge de Castres, qui reste responsable de l’accueil des rapatriés. Tout d’abord, Monsieur Martel, directeur de l’hôpital de Castres met à disposition 20 lits et s’engage à nourrir 50 rapatriés.

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Réception de matériel d’accueil en provenance de la préfecture du Tarn par le comité de Castres

La ville de Castres va prêter 50 lits de plus, suite à la réquisition d’hébergements vacants, vides ou secondaires voire même par le biais de dons d’établissements scolaires et d’internats. Le Couvent Bleu, établissement tenu par les sœurs de Castres, a joué un très grand rôle car il a permis l‘accueil de nombreux enfants. Au total, la ville de Castres a pu offrir plus de 410 lits. Cette solidarité s’étend jusqu’à Sorèze, Lavaur et Graulhet qui répondent à l’appel avec le prêt de plus de 200 lits. Ces lits étaient mis à disposition des comités locaux de la Croix-Rouge grâce aux dons des mairies, des établissements scolaires, la préfecture et même des populations locales.


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