Mutation de la Croix-Rouge au contact des conflits mondiaux.

Pour faire ressortir les évolutions de l’action humanitaire de la Croix-Rouge, il est nécessaire de montrer que ce mouvement, axé principalement sur les besoins humains, découle d’une construction historique articulée autour d’une multitude de facteurs (conflit armé, diplomatie, nouvelles conjonctures..). Quels sont les moments clefs qui ont permis ce développement ? Les débuts du XX siècle sont marqués par l’éclatement de la Première Guerre Mondiale, lors de laquelle la confrontation armée des nations sur le sol européen, entraîne un véritable carnage. Dans un souci de répondre aux souffrances humaines, la Croix-Rouge va mettre en œuvre son programme d’intervention et de soins à destination des civils et des soldats, quel que soit leur appartenance nationale.

Carte postale de la guerre 1914 1918.
Carte postale de la Croix-Rouge de 14-18: « Courage et Dévouement ».

Mais dès son  »baptême du feu », le rôle de la Croix-Rouge ne se résume pas à son engagement dans les conflits internationaux, elle s’inscrit également dans un mouvement de changements sociétaux.En effet, son action permet à de nombreuses femmes (longtemps reléguées à des tâches subalternes et domestiques) d’incarner une nouvelle conception de l’humanitaire. En pleine Première Guerre Mondiale, la figure féminine devient indispensable, que ce soit en tant qu’infirmière ou au service des blessés de guerre. La Croix Rouge devient ainsi pour les femmes un vecteur d’ascension sociale au sein d’un important mouvement d’émancipation.

L’entre-deux-guerres est marqué par des crises conjoncturelles et structurelles qui préparent l’avènement de la « Drôle de Guerre », et paralysent l’humanitaire en fragilisant ses principes, en particulier sa neutralité. La Seconde Guerre Mondiale, qui constitue un conflit à la fois plus étendu et plus marqué par les idéologies, scinde le monde en deux. On considère souvent que ce moment charnière de l’Histoire engendra de nouvelles problématiques : c’est le cas pour l’humanitaire, dont les principes (notamment ceux d’intervention et de neutralité) se trouvent remis en cause. Les acteurs de l’humanitaire doivent faire face à un nouveau dilemme : dénoncer ouvertement les crimes des régimes communiste et nazi, ou s’en tenir à une stricte application du principe de neutralité au nom de l’urgence de son action (aide alimentaire, médicamenteuse etc…).

Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la Guerre Froide pose à l’humanitaire un nouveau défi, cette fois de nature philosophique. Durant cette période, les acteurs de l’humanitaire doivent faire face aux deux blocs qui tentent de manipuler à leur profit l’ingérence humanitaire. L’examen des situations de conflits entre les deux grands Blocs (Vietnam, Corée, Afghanistan) semble indiquer que la Croix-Rouge fasse (au moins passivement) le jeu de l’anti-communisme, l’un des fers de lance de cette nouvelle Amérique sortie grandie du second conflit mondial. L’organisation humanitaire se retrouvera ainsi critiquée pour son « inféodation » doctrinale.

Dans le monde multipolaire d’aujourd’hui, la Croix-Rouge cherche désormais à acquérir, confirmer et renforcer son autonomie politique ainsi que sa liberté dans le choix de ses interventions, afin de poursuivre pleinement la mission que lui a confié Henry Dunant.

Pour aller plus loin:

Guarisco Tomás