Droit d’Ingérence

Le droit d’ingérence, comme son nom ne l’indique pas, n’est pas un droit. Cette notion imaginée par Bernard Kouchner, Mario Bettati et Jean-François Revel suite à la guerre du Biafra, désigne l’intervention d’acteurs de l’humanitaire sur un sol étranger sans l’accord de l’État concerné. Le droit d’ingérence, à l’inverse du DIH, est un principe moral que l’on n’a pas réussi à traduire sur le plan juridique, du fait de l’opposition que suscite l’idée d’une possible remise en cause de la souveraineté des États.

La notion de droit d’ingérence émerge de manière progressive avec l’instauration du principe de libre accès aux victimes, ainsi que du devoir de protéger les populations qui se retrouvent au milieu des conflits. Les résolutions adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU le 8 décembre 1988 et le 14  décembre 1990 facilitent ainsi l’accès des acteurs de l’humanitaire sur le terrain, sans violer les lois du pays concerné, et à seule fin d’aider les victimes de catastrophes naturelles ou de situations d’urgence.

Cependant, le droit d’ingérence est critiqué. La Charte des Nations Unies pose ainsi la non-ingérence comme principe de base des relations internationales, un principe qu’elle a refusé de remettre en cause, l’objectif de la non-ingérence étant de préserver l’indépendance des États les plus faibles face aux interventions et pressions des plus puissants.

De plus, on considère qu’un conflit armé interne, tout comme la violation des droits de l’homme et du droit humanitaire, peuvent menacer la paix et la sécurité internationale, ainsi l’intervention de l’ONU est parfois indispensable. L’ONU exerce ainsi le monopole de l’ingérence légale, dans la mesure où ses interventions sont conçues comme nécessaires au maintien de la paix internationale. Mais enfreindre la souveraineté d’un État reste encore un sujet délicat, qui beaucoup assimilent à une stratégie du “cheval de Troie”. Il est vrai que le droit d’ingérence a des limites. Il est ainsi parfois difficile de cerner les véritables intentions des États qui prétendent apporter une aide, et qui se retrouvent à l’occasion soupçonnés de diriger les ONG vers des lieux stratégiques pour promouvoir leurs intérêts nationaux.

L’emblème de la Croix-Rouge est critiqué dans certains pays, il est vu comme l’instrument d’une stratégie d’infiltration afin de contrôler les populations. Par le biais des organisations, l’action humanitaire est devenue un acteur majeur des relations internationales présentes au cœur des conflits et possède une influence et des fonds assez conséquents. Elle joue un rôle diplomatique, économique et politique aux yeux des États, ce qui lui permet de diffuser ses idéaux, via les médias, à la population internationale.

Droit d'ingérence, droit de colonisation....?
Source : karlosguede.centerblog.net

La multiplication des activités humanitaires depuis le début du XXIème siècle et l’allongement de la durée des interventions sur le terrain, posent la question du besoin de ressources et de moyens. Pour la majorité des ONG, leurs ressources proviennent des dons. Il est alors nécessaire de changer de type de communication pour légitimer de nouveau l’action humanitaire afin d’encourager les dons.

Plusieurs moyens sont utilisés pour marquer la population de manière positive, comme par exemple le sensationnalisme : des images chocs qui permettent de diriger des dons vers l’événement du moment. Même si leurs actions amènent une aide financière et matérielle auprès des populations dans le besoin, certains moyens de communications peuvent être aussi utilisés comme instruments pour légitimer les actions militaires, comme ce fut le cas au Kosovo en 1999, où l’armée américaine a distribué des tracts à la population.

Depuis ce conflit l’aide humanitaire est en quelque sorte associée aux missions des forces armées, on parle de « guerre humanitaire ». Les ONG sont opposées à l’idée que l’armée puisse s’immiscer dans leurs actions. En étant dépendantes des forces militaires, les ONG ne peuvent plus agir comme avant et sont privées de leur impartialité et de leur indépendance.

Le DIH a permis de traduire les idéaux d’Henry Dunant en droit. Il a ainsi rendue possible l’intervention d’organisations telles que la Croix Rouge auprès des populations dans le besoin. Un problème persiste néanmoins : celui de droit d’ingérence, qui reste un droit non reconnu par les pays qui souscrivent à la Charte des Nations Unies. Il est alors mal accepté par ceux qui subissent cette intrusion dans leur territoire par des organisations étrangères. La neutralité des ONG est, de fait, à nouveau contestée.

Pour en savoir plus sur: le droit d’ingérence et les ambiguïtés de l’humanitaire