La guerre du Biafra oppose une province sécessionniste du Nigeria au pouvoir fédéral nigérian, de 1967 à 1970 ; il s’agit de l’un des plus graves conflits de l’Afrique postcoloniale. Ce conflit sera fortement médiatisé, et permettra « la conquête de l’opinion publique »1 à la fois européenne et américaine. Le photojournalisme alors en plein essor révèle au monde entier la famine dont est victime le Biafra. La forte médiatisation de la crise sanitaire va donner naissance à une nouvelle forme d’action humanitaire.
Le Nigeria, ancienne colonie britannique indépendante depuis le 1er octobre 1960, est le pays le plus peuplé d’Afrique et possède d’importantes richesses naturelles, notamment du pétrole. Trois grandes ethnies se partagent le territoire : les Ibos (majoritairement chrétiens et animistes) dominant l’est du pays, les Haoussas (de confession musulmane) majoritaires dans le nord, et les Yorubas, établis à l’Ouest. Le régime favorise largement les Ibos, qui suivent le modèle occidental au détriment des autres ethnies, puisqu’ils détiennent la plupart des postes de l’administration et du commerce, ainsi que la majeure partie des ressources pétrolières et minières du territoire.
Les Haoussas et Yorubas sont exclu et laissé de côté. Une division des forces du pays qui permet à l’administration britannique de garder une influence au sein de sont ancienne colonie. Ces inégalités vont entraîner un climat d’instabilité jusqu’à la prise du pouvoir des Yorubas qui s’allient aux Haoussas pour mener un coup d’état.
L’assassinat du Premier Ministre Johnson Aguiyi-Irons et les massacres d’Ibos consécutifs, en mai 1966, vont pousser ces derniers à se réfugier dans la région oriental du Nigeria, le Biafra, et à déclarer leur indépendance le 30 mai 1967. S’ensuit une guerre opposant les sécessionnistes biafrais au pouvoir fédéral nigérian, qui durera trois ans (1967-1970). Suite au blocus terrestre et maritime du Biafra par les troupes gouvernementales, la région est plongée dans une famine dont les victimes sont estimées entre un et deux millions de personnes, et qui va faire l’objet d’une importante médiatisation.
La couverture médiatique du conflit va entraîner une prise de conscience internationale. Tandis que la Croix-Rouge demande à ses médecins bénévoles envoyés sur place de quitter le pays devenu trop dangereux, certains comme Bernard Kouchner et Max Bécamier refusent d’abandonner les victimes. Transgressant le devoir de réserve qui leur est imposé, ils vont dénoncer dans les lettres adressées à la presse les horreurs dont ils ont été témoins, pour alerter l’opinion publique sur les drames vécus par les civils, et remettre ainsi en question l’un des principes fondamentaux de l’action humanitaire : la « neutralité ».
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Ces événements entraîneront en 1971 la création de l’ONG Médecins Sans Frontières, fondée autour d’une nouvelle approche de l’action humanitaire comprenant ce que l’on appelle alors le « devoir d’ingérence ». En 1999, les « French Doctors » verront leurs efforts récompensés par le prix Nobel de la Paix.
1 D’après le délégué du Biafra, Ralph Uwechue