De nouveaux moyens d’action pour lutter contre les fléaux sociaux

Aménagement de nouveaux établissements

        Pendant l’entre-deux-guerres, un personnel médical féminin mieux formé prend place dans les dispensaires d’hygiène sociale créés progressivement sur l’ensemble du territoire français, notamment dans le cadre de la lutte contre la tuberculose et la protection sanitaire de l’enfance. Les dispensaires sont des centres qui coordonnent l’ensemble des interventions du service de lutte antituberculeuse. Une action, majoritairement sanitaire, est mise en place dans ces dispensaires, mais ils jouent aussi un rôle éducatif. Certains sont spécialisés, d’autres sont des centres préventifs, qui doivent dépister les personnes atteintes par la tuberculose pour pouvoir ensuite les rediriger dans des sanatoriums.

        Pendant l’entre-deux-guerres, la construction de dispensaires est croissante sur le territoire français. C’est avec la loi Léon Bourgeois de 1916 sur les dispensaires antituberculeux, que les pouvoirs publics se dotèrent de nouveaux moyens d’action, ainsi qu’avec la loi Honnorat sur les sanatoriums en 1919. À partir de 1923 le Comité national de défense de la tuberculose encouragea financièrement la construction des dispensaires prévus par la loi.1 La SSBM, l’ADF et l’UFF vont consacrer une grande partie de leurs ressources aux dispensaires et sanatoriums. Les pouvoirs publics ou encore les Comités départementaux de lutte contre la tuberculose, vont être les principaux financiers de ces dispensaires.

       

Financement de l’État français pour l’aménagement de nouveaux établissements

On compte moins de sanatoriums sur le territoire que de dispensaires. C’est dans le Rhône que fut créé le premier sanatorium populaire, à Hauteville. Il pouvait accueillir jusqu’à 650 personnes atteintes de tuberculose. Des maisons bourgeoises seront également aménagées en petits sanatoriums. Pendant l’entre-deux-guerres, les hospices civils vont également se consacrer à la lutte contre la tuberculose. Certains accueillaient en particulier les enfants atteints de tuberculose comme l’établissement de Giens, dans le Var, qui avait en 1938 1000 lits qui lui étaient réservés, soit 10 % de la capacité totale d’accueil de l’établissement. Le bureau de bienfaisance va aussi subventionner les dispensaires antituberculeux, à hauteur de 20 % de son budget en matière médicale.2

        C’est ainsi qu’en 1922 on comptait sur le territoire français 439 dispensaires et plus de 65 sanatoriums s’inscrivant dans la lutte antituberculeuse. Le fonctionnement de ces établissements était possible grâce à la présence d’infirmières spécialisées, soignantes et visiteuses. Mais leur nombre était insuffisant pour répondre aux besoins de la société française. Les responsables de la lutte antituberculeuse vont alors s’impliquer dans la formation des infirmières. Le Comité national de défense contre la tuberculose va notamment organiser à Paris un enseignement spécialisé, s’adressant surtout aux infirmières qui avaient déjà reçu une formation de la Croix-Rouge.3

La professionnalisation du métier d’infirmière

        Le 1er février 1919, un comité de coordination fut créé, regroupant les Croix-Rouges américaine, anglaise, italienne, japonaise et française. Une conférence se réunit en avril 1919 à Cannes, pour déterminer les actions à entreprendre en matière médicale. Cette conférence s’acheva avec l’adoption de cinq résolutions concernant la profession d’infirmière et l’orientation de l’action des sociétés de Croix-Rouge.4 Suite à cette conférence, le 5 mai 1919 fut créée à Paris la Ligue des sociétés de Croix-Rouge. Celle-ci était ouverte à toutes les Croix-Rouge nationales et dès sa fondation une section des infirmières vit le jour au sein de la Ligue. S’ajouta à cela en 1924 un Comité consultatif des infirmières. Celui-ci formula de nouvelles recommandations qui allaient toutes dans le sens de la promotion de la nouvelle image de l’infirmière au sein des sociétés de Croix-Rouge.5

        En France, ce n’est qu’à partir de 1922 que fut mise en place une reconnaissance légale de la profession d’infirmière, qui passa par la création d’un diplôme d’État. En effet, le 27 juin 1922, le président de la République, Alexandre Millerand, en signant le décret en application des résolutions du Conseil supérieur de l’Assistance publique, marqua la véritable naissance de la profession d’infirmière en France. Puis en 1924, il va y avoir une reconnaissance d’écoles par le Conseil de perfectionnement.6 En tout, ce sont 66 écoles qui seront reconnues administrativement : parmi elles, 15 écoles appartiennent aux sociétés de Croix-Rouge : neuf sont rattachées à la SSBM, quatre à l’UFF et deux à l’ADF. Des écoles d’infirmières visiteuses et spécialisées seront également reconnues. Dès 1924, ce sont plus de 1586 infirmières qui obtiennent le brevet de capacité professionnelle et parmi elles, plus de la moitié (823) viennent d’écoles des trois sociétés de Croix-Rouge. 7

Popularisation de l’image de l’infirmière visiteuse d’hygiène

        La Société de Secours aux Blessés Militaires (SSBM), qui voit pendant l’entre-deux-guerres ses effectifs d’infirmières augmenter, passant de 33 725 en 1918 à 35 564 en 1920, dispense dès 1932 des cours, qui servent de base pour un enseignement unifié.8 Les écoles préparant au métier d’infirmière dans les hôpitaux et les dispensaires offraient alors trois niveaux d’enseignements : le certificat d’aide-infirmière, le diplôme simple d’infirmière et le diplôme supérieur. La Croix-Rouge va également créer ses propres écoles d’infirmières visiteuses d’hygiène sociale. Dix ans plus tard, ce diplôme sera remplacé par un diplôme d’État d’assistance de service qui marque les débuts de la profession des assistantes sociales.9 Outre la SSBM, l’Union des Femmes de France consacrait également un effort à améliorer son enseignement, notamment par le biais du « Manuel de l’infirmière hospitalière », dont la huitième édition parut en 1920. Dans cette nouvelle édition, l’hygiène et les maladies infectieuses faisaient l’objet d’un développement important.10 Cette professionnalisation du métier d’infirmière et l’enseignement unifié dispensé par les Sociétés de la Croix-Rouge, permettent la mise en place d’une lutte plus efficace contre les fléaux sociaux.

Rédactrice : Angeline ALET.

1http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=257#sthash.VxfTre8S.dpuf, site L’Histoire par l’image est édité par la Réunion des musées nationaux depuis 1991, Directeur de publication Henri Bove.

2 Axelle Dolino-Brodiez, Combattre la pauvreté: Vulnérabilités sociales et sanitaires de 1880 à nos jours, Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 280

3 Jean Guillermand, op.cit, p. 419

4 Jean Guillermand, op.cit, pp. 403-405

5 Ibid, p. 405

6 Ibid, pp. 431-433

7 Ibid, pp. 434-435

8 Ibid

9 Ibid, pp. 88 et 89.

10 Ibid, p. 408