La Croix Rouge française au sortir de la guerre

Une position délicate

    En 1945, la Croix-rouge française se trouve dans une position très délicate. En effet, même si durant la Seconde Guerre mondiale son action humanitaire a été plus que présente (notamment en faveur des prisonniers de guerre), action qui sera d’ailleurs largement saluée et lui vaudra même une reconnaissance internationale au travers d’un Prix Nobel de la Paix, la Croix-Rouge française sera vivement critiquée. En effet, beaucoup lui reprochent son inefficacité et même parfois son inaction par rapport aux millions de victimes de la Shoah, notamment sa maigre intervention lors de la Rafle du Vel d’Hiv. On accuse aussi la Croix-rouge française d’avoir appliqué la législation antisémite de Vichy, ou du moins de façon certaine, de ne pas s’y être opposée. Ces constatations sont faites parfois en dépit d’autres actions effectuées par la Croix Rouge comme notamment le sauvetage et la prise en charge d’enfants juifs en zone sud en 19431. En plus de cela, la Croix-Rouge s’est engagée à apporter son aide à tous ceux que la guerre a laissé dans le besoin, y compris donc les populations des pays vaincus, pays qui avaient été les instigateurs de cette guerre. Ainsi la Croix-Rouge est critiquée de par cette volonté dans l’immédiat après-guerre de porter secours aux populations vaincues, notamment en Allemagne.

    En plus de voir sa réputation ternie, la CRF2 doit affronter une situation financière très difficile. Elle est en effet sortie complètement ruinée3 de la guerre. S’ajoute à cela le fait qu’en 1946, la Croix-Rouge française se voit privée de subvention publique : elle doit ainsi fortement freiner ses dépenses, alors que son action est plus que nécessaire.

    Ainsi, ces critiques ainsi que sa situation financière très difficile constituent les défis que l’association doit relever si elle veut continuer à assurer sa pérennité au lendemain du conflit.

Des défis à relever

    Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, se pose pour la Croix-Rouge française la question de son rôle dans la société d’après-guerre. Elle doit légitimer son existence et trouver des ressources pour fonctionner en temps de paix.

    Au vu du degré de violence dont la Seconde Guerre mondiale a fait preuve ainsi que des lacunes du droit humanitaire, la Croix-Rouge française se lance dans un processus de révision et d’élargissement des Conventions de Genève avec l’aide du CICR . La Croix-Rouge française espère et exprime sa volonté alors d’empêcher que les horreurs s’étant produites durant cette guerre se produisent à nouveau. Il est ainsi apparu nécessaire d’établir de nouvelles règles juridiques. Les Conventions de Genève sont révisées et renforcées. Cela aboutira en août 1949 à l’adoption par une conférence diplomatique de quatre textes fondamentaux, dont l’un précise explicitement les devoirs qu’ont les belligérants à l’égard de la population civile. La CRF, en faisant de cette action une de ses priorités majeures au sortir de la guerre, montre et exprime ses regrets pour son inaction au vu de la tournure des événements.

Le besoin de financement de la Croix Rouge française

   Le service de propagande fait également le constat que peu de Français connaissent réellement les activités de l’association, chose à ne pas négliger, particulièrement à un moment où son existence est remise en question. Il apparaît alors la nécessité de les évoquer bien plus concrètement , « car la meilleure propagande que la Croix-Rouge puisse faire, c’est son action elle-même, c’est le développement de son action et c’est la manifestation de son action »5. Malgré cela, la Croix-Rouge française mettra plusieurs années, voire plusieurs décennies, avant de retrouver une situation financière correcte.

L’action sanitaire et sociale plus que jamais présente

    La Croix-Rouge française est sortie quasiment ruinée de la Deuxième Guerre mondiale et a eu beaucoup de difficultés à récolter des fonds durant les années, voire les décennies, suivantes. Elle s’est pourtant efforcée de déployer ses activités dans les principaux conflits qui ont suivi la déflagration mondiale, mais également en développant son aide à la personne.

    En France, le 22 mai 1945, les premiers services infirmiers de la Croix-Rouge sont créés en prison, après accord avec l’administration pénitentiaire.

    Cet événement sera suivi par l’adoption le 2 novembre 1945 d’une ordonnance sur la protection maternelle et infantile (PMI), visant à enrayer la mortalité infantile et maternelle encore bien présente au lendemain de la guerre. La Croix-Rouge française cherche alors à éduquer les mères afin de lutter contre l’ignorance et le manque d’hygiène. Elle se bat pour que la mère puisse avoir accès à des consultations pré ou postnatales gratuitement et que l’enfant puisse avoir un bon suivi, notamment grâce à un carnet de santé. Ces deux projets sont donc mis en place en parallèle de son action en France dans l’immédiat après guerre, où elle tente toujours d’aider les plus démunis, où elle aide et assiste les victimes de la guerre, tout en apportant une aide sanitaire pour lutter contre la tuberculose.

    Le 1er décembre 1945, une aide sanitaire est apportée aux prisonniers libérés en zone d’occupation française en Allemagne, notamment en ouvrant des sanatoriums spécialisés dans le traitement de la tuberculose. Prisonniers et déportés malades y sont ainsi soignés avant leur rapatriement en France.

    Cependant, la Croix-Rouge française, après la guerre, se consacre beaucoup à la recherche des personnes disparues durant le conflit. Alors que l’action vise en premier lieu les militaires et les prisonniers de guerre, elle ne tarde pas à concerner les civils ou bien les déportés. Elle crée alors un service sur le modèle de l’agence de recherche du CICR en France pour une action permanente et on recherche les disparus français lié à la guerre, espérant ainsi réussir des regroupements familiaux, puisque des milliers de familles ont été séparées par ce conflit. Ceci permettait alors de répondre à une nécessité humaine et sociale. 

La Croix Rouge française au service des regroupements familiaux

Mais l’action sociale continue dans cette période de transition vers la paix. Elle va alors s’orienter vers d’autres types de personnes, celles qui en ont le plus besoin en période de paix. 

    Ainsi, malgré ses difficultés financière, la Croix-Rouge française persiste dans l’aide à la personne. Elle réussit ainsi à confirmer son efficacité ainsi que la nécessité de son action en temps de conflits comme en temps de paix, continuant à aider sans cesse les populations dans le besoin.

Suite

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1 Sabine Zeitoun, L’Œuvre de secours aux enfants (OSE) sous l’occupation en France, Paris, L’Harmattan, 1990.

2 Croix-Rouge française

3 Selon le site officiel de la Croix Rouge : www.Croix-Rouge.fr

4 Vie et bonté, 1953

5 Assemblée Générale, 1953