La question de la pauvreté sous le Second Empire est traitée de façon locale. Il faut attendre 1900 pour que l’État intervienne de façon concrète en imposant des lois visant à aider les pauvres.
Quelles sont les actions sociales et sanitaires qui sont mises en place sous la Troisième République ?
Nous répondrons à cette question en faisant deux parties, la première partie parlera des actions sanitaires et sociales mises en place par les actions municipales ou des actions privées, notre seconde partie traitera des différentes actions mis en place par l’État afin de lutter contre la pauvreté.
Du logement à la nourriture, quelles solutions ?
Jusqu’à la fin du Second Empire, les aides ayant comme objectif d’aider les pauvres sont instaurées en majorité par des institutions religieuses. Les aides édifiées par les communautés religieuses vont se poursuivre sous la Troisième République. Nous allons, dans cette partie parler des aides mis en place par des municipalités ou par des œuvres privées et, pour ce faire, nous allons en premier temps voir les aides mises en place pour le logement, puis les œuvres réalisées pour la nourriture, pour finir nous parlerons des bureaux de bienfaisance.
La France, en 1872, connaît des changements économiques. Les individus viennent des campagnes pour habiter dans les villes1 : ainsi la création d’asiles de nuit semble être une bonne solution. La création d’asiles a pour but principal d’accueillir les pauvres et la question de l’hygiène y est traitée.
Le premier asile de nuit est fondé en 18722 : les résultats de cette innovation sont probants3. A Paris, on prend la décision d’ouvrir l’œuvre de l’Hospitalité de nuit en 1882. Il faut attendre 1888 pour qu’un vrai refuge soit vraiment créé dans la capitale. Ces Œuvres accueillent les nécessiteux. Les personnes jouissant de ces œuvres ont le droit de dormir dans cet hospice trois nuits consécutives. L’hospitalité de nuit appuie sur la propreté : les pauvres doivent se laver. Les femmes sont aidées grâce aux Sœurs du Calvaire de Gramat4 qui propose du travail pendant quelques semaines5.
Les hospices de nuit reçoivent de plus en plus d’individus. Le matériel manque. L’hygiène est moins respectée. En conséquence de ces faits, la classe ouvrière profite de ces aides6. Plus aucun hospice de nuit n’est construit. En voyant le nombre de décès augmenter, les hospices décident de modifier leur organisation.
En soixante ans, plus de 7 000 pauvres sont accueillis dans ces locaux. L’hospitalité de nuit est complétée par l’hospice de travail permettant aux nécessiteux de trouver du travail. S’ajoute à ce dernier le problème de nourriture.
Sous la Troisième République, beaucoup de personnes religieuses – ou non – veulent aider les plus pauvres en leur distribuant de la nourriture.
En 1884, une institution voit le jour : il s’agit de l’Œuvre de la bouchée de Pain7. Son but est simple, il est de « soulager immédiatement « les pauvres en leur distribuant du pain. Elle accueille des ouvriers, des employés qui n’ont pas de travail, les pauvres. Cette œuvre se met en place en 1889, 400 personnes par jour vont jouir de cette aide.
En 1891 une autre œuvre se met en place. Il s’agit de l’œuvre de la « Mie de pain »8. Cette œuvre qui a pour vocation l’aide aux pauvres distribue une soupe quotidienne aux indigents avec l’aide de jeunes étudiants ou de jeunes apprentis.
En 1901, une autre action se met en place, la « soupe bien grasse ». Cette aide n’est disponible que lorsque la France connaît une crise. Il faut attendre 1908 pour que dans l’Œuvre de la bouchée de pain soit instaurée la soupe. Cette dernière n’est à disposition des indigents qu’en hiver et que deux jours par semaine. Contrairement aux hospices de nuits, les mauvais pauvres, c’est-à-dire, les profiteurs, sont bannis des locaux et ne peuvent profiter de cette aide9.
La remise en place des bureaux par les municipalités demande quelques changements. Nous allons, dans cette première partie étudier la mutation connue par ces bureaux. En première partie nous parlerons de la laïcisation, en seconde partie, nous parlerons des mutations de professionnalisation puis pour finir des changements opérés au niveau des médicaments.
Les bureaux de bienfaisance connaissent une crise due à la faible distribution de subventions, mais l’État propose en 1878 d’intervenir et de donner des subventions fixes. Ce gain est sous réserve : il faut que le bureau devienne une administration d’assistance publique. Dès 1880, les Sœurs non catholiques sont renvoyées.
Les bureaux de bienfaisance veulent organiser leur travail. En 1880, toujours, le conseil municipal décide d’élire des personnes qui s’appelleront des « distributeurs ». Leur but est de vérifier si les secours demandés par une personne sont justifiés. Les distributeurs doivent tenir une liste à jour. Les 460 distributeurs sont en vérité peu fiables, certains sont absents, d’autres envoient des domestiques pour qu’ils fassent le travail à leur place. La municipalité de Lyon décide de faire autrement. La ville décide de mettre seulement 20 distributeurs mais payés de façon continue. Le but est de faire baisser le nombre d’indigents et de faire en sorte que les plus pauvres soient servis.
Toujours en 1880, la municipalité se rend compte que la gestion des médicaments n’est pas bonne : elle décide ainsi d’innover en coopérant avec le Dispensaire Général. Deux réformes voient le jour. La première consiste à établir pour chaque dispensaire une carte médicale. La deuxième, apparue en 1881, stipule qu’il doit y avoir pour chaque arrondissement de deux à six médecins. Les soins généraux sont gratuits. De nouveaux services sont mis en place dans les bureaux de bienfaisance : il s’agit des sages-femmes. Des locaux supplémentaires sont affectés aux bureaux. Toutefois, les bureaux connaissent une controverse : en effet, des ouvriers n’ayant pas les moyens d’avoir des aides médicales reçoivent la carte médicale alors réservée aux pauvres. Les dépenses augmentent de plus de 350 %10 en moins de dix ans et de nouvelles mesures sont prises : la première mesure prise en 1890 consiste à limiter la validité de la carte médicale à trois mois. Les listes des indigents sont revues et corrigées dès 1891. En 1894, une nouvelle mesure radicale voit le jour : cette dernière consiste à non seulement limiter la validité de la carte à un mois, mais en plus que cette dernière soit délivrée sur ordonnance d’un médecin 11 & 12.
Quand les aides deviennent obligatoire
Les villes ont souhaité aider les plus pauvres à travers différents moyens : en avance sur leur temps, les aides municipales ont su donner des idées à l’ État pour adopter des lois telles que la loi de 1902 sur les bureaux d’hygiène, mis en place à Lyon dès 1890. Les aides attribuées par les municipalités ou par le privé sont nombreuses, mais l’État doit intervenir, car elles ne sont pas toujours suffisantes.
Quelles sont les aides mises en place par l’ État ? Pour répondre à cette question, nous ferons trois parties : la première partie traitera de l’instauration des lois sociales, plus précisément l’aide médicale gratuite ; la Seconde traitera des populations assistées puis pour finir nous parlerons des réactions contrastées des différentes associations.
Les personnes privées de ressources considérées comme non responsables de leur situation sont aidées par l’État avec trois grandes lois, celle de 1893, de 1905 et de 1913. La mise en place de ces lois est lente et ne touche qu’une partie de la population, elles laissent en marge des pauvres précaires. Les lois sociales sont d’abord symboliques mais deviendront avec le temps une vrai révolution dans l’histoire des aides pour les pauvres.
La loi du 15 juillet 1893 permet aux plus pauvres mais aussi aux chômeurs d’être soignés gratuitement comme le dit l’article 1. Cette loi est le symbole du solidarisme, elle est le pilier d’un État-Providence.
A la fin du XIXe, la préoccupation des personnes âgées devient quelque chose d’important. Les « vieux » sont traités au même titre que les indigents, dans les bureaux de bienfaisance. C’est la première fois que le terme de « droit » social apparaît. Le vieux pauvre correspondant aux critères a le droit d’avoir une pension mensuelle qui doit normalement lui permettre de vivre (1905).
Une dernière loi est enfin adoptée (1913). Cette loi concerne les femmes en couche. Cette dernière mentionne un repos obligatoire dont la femme n’a pas à payer les frais.
1 G. Caselli, Analyse et synthèse: t. 4, Les déterminants de la migration, Institut national d’études démographiques, Paris, p. 110
2 A. Gueslin, Gens pauvres, Pauvres gens dans la France du XIXe siècle, Aubier, 1998, Paris, p. 185
3 A. Brodiez-Dolino, Combattre la pauvreté, Vulnérabilités sociales et sanitaires de 1880 à nos jours, Paris, CNRS Editions, 2013, p. 59
4 A. Gueslin, op. cit. p. 229
5 L’évolution des interventions privées et publiques en faveur des personnes sans domicile: éléments historiques.
6 A. Brodiez-Dolino, op. cit.
7 A. Brodiez-Dolino, op. cit. p. 63
8 A. Gueslin, Gens Pauvres, pauvres gens dans la France du XIXe siècle, Paris, Aubier, 1998, p. 227
9 A. Borderie, Des bureaux de bienfaisance aux CCAS, une Histoire de l’action sociale de proximité, EPH, 2006, p. 35
10 A. Borderie, op. cit. p. 74
11 A. Borderie, op. cit. p. 74
12 Y. Marec, Vers une République sociale ? Un itinéraire d’historien. Culture politique, patrimoine et protection sociale aux XIXe et XXe, PUR, 2010