1914-1944 : les formes d’interventions sociales et sanitaires dans la première partie du siècle

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L’action de la Croix-Rouge française pendant la Première Guerre mondiale

Suite au choc de la Première Guerre mondiale, la pauvreté se développe en France. Ce phénomène est dû principalement à la guerre : soldats, veuves, ou orphelins[1]ont du mal à se réadapter. L’État propose des pensions souvent bien insuffisantes pour les veuves de guerre.[2]. Les institutions locales via les bureaux de bienfaisance tentent d’améliorer la situation[3]. La Grande Guerre a entraîné une évolution notable de l’action sociale de la part de l’Etat[4]. De plus, les grandes œuvres, surtout religieuses, catholiques ou protestantes à l’image de l’Armée du Salut, interviennent toujours dans le domaine sanitaire et social[5] : réinsertion, dons de subsistance, ou dans le domaine du logement. L’État s’est associé avec certaines de ces œuvres, reconnues d’utilité publique, à l’image de l’oeuvre des orphelins apprentis d’Auteuil, créée en 1886, intervenant auprès des jeunes vagabonds ou de sans abris, pour leur permettre de se réinsérer[6]

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Une oeuvre hybride entre privé et public : les Orphelins apprentis d’Auteuil

            Mais cette période de fragilité due à la guerre ne fait qu’empirer suite à un choc qui secoue l’occident : la crise des années 30. La crise touche l’ensemble des pays industrialisés et engendre un chômage de masse[7] : 465 000 personnes sont recensées comme sans emploi en France en 1936[8]. Ce fléau affecte les personnes les plus vulnérables comme les immigrés[9]. Face à ce désastre, les pouvoirs publics réagissent : de plus, le service public soutient les populations les plus touchées par la crise et réalise l’enjeu que représente le chômage, contribuant ainsi à l’aide des personnes atteintes par ce cataclysme. En effet, les interventions ne sont pas homogènes et dépendent des communes, certaines interviennent en donnant des fonds, d’autres en faisant des dons en nature, sous la forme de bons alimentaires par exemple[10]. Les caisses de secours départementales sont mises à disposition des plus pauvres en 1932, mais avec des conditions drastiques : les chômeurs doivent vivre dans la commune depuis une certaine durée, détenir un certificat de l’employeur précédent, être un homme et ne pas être étranger.[11] Une forte xénophobie se développe en effet dans les années 1930.

Deux œuvres s’emploient également à soulager ces chômeurs, en plus des oeuvres traditionnelles évoquées ci-dessus : l’asile de nuit et les restaurants économiques[12]. Mais la crise est toujours présente quand la Seconde Guerre mondiale éclate.

La France, au bout d’un an de combat, signe l’armistice et ne s’est pas relevée économiquement.

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L’action sociale sous l’emprise de la propagande

Pendant le régime de Vichy, la pauvreté subsiste, redoublée par une nouvelle forme de misère remarquable chez les populations traquées[13]. Pour contrer cette pauvreté, le régime de Vichy renouvelle le Secours National né pendant la Première Guerre mondiale. Ce dernier est financé par des fonds privés mais aussi l’État et les collectivités publiques[14]. Le maréchal Pétain en est le président d’honneur, ce qui lui permet de prendre les rennes de l’assistance publique[15]. Il vise à aider les victimes civiles de la guerre et fait des dons de nourriture et de vêtements[16]. La loi du 4 octobre 1940 permet à Pétain de saisir le Conseil d’Etat pour faire interdire les oeuvres qui pourraient faire de l’ombre au Secours National[17]. Face à cette injustice, certaines œuvres montrent leur désaccord, à l’image du Secours Populaire[18] qui subit des entraves de la part de l’oeuvre de Pétain, notamment par des arrestations multiples au sein de l’organisation[19].

D’autres, comme la Croix-Rouge, se réorganisent et tentent de composer avec la réalité du régime de Vichy afin de continuer à agir. L’aide de la Croix-Rouge est d’ordre sanitaire à travers des dispensaires, ou encore des hôpitaux, mais aussi sociale. Cette œuvre s’établit sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui au cours du régime de Vichy, c’est à dire d’une association unique car jusque là, elle était divisée en trois sociétés différentes : la Société de Secours aux Blessés Militaires, l’Association des Dames de France, et l’Union des Dames de France[20]. Etant une oeuvre parapublique, les ressources financières de la Croix Rouge sont pour la plupart originaires du Secours National[21].

Ce n’est qu’à la libération que le paysage caritatif français se reforme[22].


[1] André Gueslin, op cit, p30

[2] André Gueslin, op cit, p35

[3] Ibid

[4] André Gueslin, op cit, p37

[5] André Gueslin, op cit, p45

[6] Ibid

[7] André Gueslin, op cit, p72

[8] Serge Berstein et Pierre Milza, Histoire de la France au XXe siècle, Bruxelles, Complexe, 1995, p415

[9] André Gueslin, op cit, p74

[10] André Gueslin, op cit, p92

[11] André Gueslin, op cit, p76

[12] André Gueslin, op cit, p84

[13] André Gueslin, op cit, p103

[14] Jean-Pierre Le Crom, Au secours Maréchal : linstrumentalisation de lhumanitaire (1940-1944), Paris, Presses Universitaires de France, 2013, p16

[15] Jean-Pierre Le Crom, op cit, p17

[16] Jean-Pierre Le Crom, op cit, p89

[17] Jean-Pierre Le Crom, op cit, p17

[18] Axelle Brodiez-Dolino, Le Secours Populaire français, 1945-2000 : du communisme à lhumanitaire, Paris, Presses Universitaires de Sciences Po, 2006, p39

[19] Axelle Brodiez-Dolino, op cit, pp40-41

[20] Jean-Pierre Le Crom,op cit, p25

[21]Jean Pierre Le Crom, op cit, p 52

[22] André Gueslin, op cit, p129