Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France est en grande partie détruite et la grande pauvreté est visible. Cependant, la reconstruction est lancée et la France connaît une période de croissance régulière de 1948 à 1973.[1]Les Trente Glorieuses sont une période de grande expansion et de prospérité économique, durant laquelle les français ont connu une élévation significative de leur niveau de vie. Malgré cette prospérité, une partie de la société englobant les personnes âgées, les immigrés, les handicapés physiques et mentaux vit toujours dans des conditions difficiles voire dans un extrême dénuement. Les formes de pauvreté antérieures demeurent tandis que de nouvelles viennent s’ajouter au paysage de la grande pauvreté, même si la pauvreté recule globalement au cours de cette période. Ces populations sont toujours confrontées à une pénurie de logements décents, et les grandes destructions ont causé une inflation des loyers. L’État tente d’intervenir et crée les HLM (habitation à loyer modéré) mais les loyers restent trop élevés pour les personnes ou les familles sans ressources.[2]
La question sanitaire est moins présente au sortir de la guerre en raison de la mise en place de la Sécurité Sociale à la Libération. Bien sûr, les plus pauvres, privés pour la grande majorité de travail, ne peuvent pas cotiser pour avoir accès à l’assurance maladie mais le recul de la mortalité et des maladies infectieuses est spectaculaire.
C’est pour les populations fragilisées que l’Etat institutionnalise le social : en 1953 apparaît l’aide sociale, qui se met en place quand l’Etat réforme les lois d’assistance[3]. De cette réforme naissent les BAS ou bureaux d’aide sociale, qui originellement aident les personnes âgées dont les retraites sont insuffisantes mais bien vite, ils interviennent auprès des sans-abris[4]. Aussi, la BAPSA (Brigade d’assistance aux personnes sans-abris) est une division policière spécialisée qui amène les SDF de Paris vers des centres spécialisés[5].
Parallèlement à cette institutionnalisation du social, une renouveau caritatif se remarque. Effectivement, depuis longtemps et encore au début du siècle, la charité était majoritairement chrétienne[6]. Certes, il n’y a pas disparition de la charité religieuse dans les associations comme le montre la création d’oeuvres caritatives explicitement religieuse comme le Secours Catholique qui se forme en 1946 à l’initiative du Vatican, ou encore Emmaüs, créé par l’Abbé Pierre, mais des associations profondément laïques voient le jour, même si certaines existaient déjà avant 1945[7]. Emmaüs est clairement religieuse : elle est née en 1949 sous la direction de l’Abbé Pierre, dont les premières actions sont dans le domaine du logement.[8]
Le Secours Populaire, créé pratiquement en même temps que le Secours Catholique, revendique une action dénuée de sens partisan et recherche l’égalité sociale.
Un renouveau caritatif se met ainsi en place dans la France des Trente Glorieuses, couplé d’une action sociale qui se fortifie et s’institutionnalise, ce qui est accompagné paradoxalement d’une vague de pauvreté qui accompagne la croissance. Ces nouveaux pauvres ont le visage des immigrés, appelés en France pour reconstruire le pays : déjà nombreux avant la guerre, leur nombre augmente après 1945[9]. Ils sont attachés à la grande pauvreté par le fait qu’ils sont déjà démunis et fragiles[10], alors que paradoxalement, ils appartiennent au monde du travail, même si leur salaire est très bas. Ce paradoxe s’explique par le fait qu’ils envoient une part de leur salaire à leur famille, ce qui leur laisse peu pour vivre[11]. Couplé à ces problèmes d’ordre financier, ils sont plus fréquemment discriminés quant à l’accès au logement[12]. Ce n’est qu’au milieu des années 60 que la pauvreté des immigrés est prise en compte par l’opinion publique suite à une médiatisation plus importante[13].
[1] André Gueslin, op cit, p133
[2] André Gueslin, op cit, p139
[3] Yvette Rayssiguier, op cit, p21
[4] André Gueslin, op cit, p157
[5]André Gueslin, op cit, p168
[6] André Gueslin, op cit, p179
[7] André Gueslin, op cit, p180
[8] Axelle Brodiez-Dolino, Emmaüs et l’Abbé Pierre, Paris, Presses de la fondation nationale de sciences politiques, 2009, p46
[9] André Gueslin, op cit, p134
[10] André Gueslin, op cit, p135
[11] André Gueslin, op cit, p136
[12] André Gueslin, op cit, p138
[13] Axelle Brodiez, op cit, p142