La concurrence coloniale

 La rivalité franco-anglaise

En 1715, à la mort de Louis XIV, l’armada française ne compte qu’une cinquantaine de bâtiments obsolètes, incapables de fournir un effort de guerre prolongé face à des frégates Anglaises surpuissantes. Cela dit, la France est une force terrestre métropolitaine. A l’aube du XVIIIe siècle, la France et le Royaume-Uni sont les puissances dominantes de L’Europe. Les deux belligérants mènent deux doctrines navales différentes : l‘Angleterre prône l’expansion de sa flotte alors qu‘avec deux puissances militaires terrestres voisines, l’Espagne et l’Autriche, la France n’est pas en mesure de développer sa politique navale 1.

La flotte Anglaise peut compter sur un commandement centralisé : l’amirauté ainsi que des équipages bien entraînés où les officiers sont recrutés dès l’âge de dix ans et où la promotion se fait au mérite. Tandis que du côté français la plupart des officiers n’ont suivi qu’une instruction théorique. Un intendant français, Maurepas étoffe la marine royale, augmente le budget naval et envoie de nombreux espions en Grande-Bretagne et en Hollande afin de s’accaparer les techniques de fabrications étrangères. Cette révolution silencieuse se fait secrètement et à l’insu de l’Angleterre. Cette renaissance navale permet à la France durant les événements de la guerre de succession d’ Autriche de 1740 à 1748 de tenir en échec et parfois même de vaincre une royal navy dépassée techniquement 2.

Mais l’éviction de Maurepas en 1749 change la donne, même si ses successeurs conservent une politique de modernisation et d’entretien de la flotte, les Anglais s’inspirent du modèle des bâtiments de ligne français pour agrandir leur flotte. En 1754, si la France compte près de cent navires, la flotte anglaise peut aligner deux cent cinquante bâtiments de tout types 3. Sur cette image datant de 1756, la flotte Anglaise est impressionnante. La guerre de Sept Ans qui se déroule de 1755 à 1763 va être un véritable désastre pour la France, les batailles de Lagos au large du Portugal et des cardinaux en Bretagne en 1759 mettent en pièce la marine française et donnent le contrôle des mers à la royal navy.

Combat Naval dans la mer Mediterannée gagné par l'Armée naval de France aux ordres de M. le Marquis de la Gallisonnières sur celle d'Angleterre commandée par l'amiral Bink, le 20 may 1756 : [estampe]

Combat Naval dans la mer Méditerranée gagné par l’Armée naval de France aux ordres de M. le Marquis de la Gallisonnières sur celle d’Angleterre commandée par l’amiral Bink, le 20 may 1756 : [estampe]

Les Anglais écrasent la résistance française au Canada. La guerre Sept Ans se solde par la déclin du premier empire colonial français lors du traité de Paris en 1763 et par l’affirmation de l’Angleterre en tant que première puissance mondiale 4.

L’Espagne et le Portugal, deux vieux empires inertes

 En 1700, l’Espagne est sur le déclin : la puissante armée hispanique est devenue obsolète, sa flotte est dépassée en nombre par celle des Français, des Anglais et même des Hollandais. Son économie se relève péniblement des crises qu’elle traverse du fait de l’endettement de la monarchie et de la faillite des mines d’or des colonies durant le XVIIe. Le trône de Charles II revient par testament à Philippe d’Anjou en 1701 et la guerre de succession d’Espagne qui s’ensuit affaiblit le royaume considérablement. Les convois espagnols en Atlantique souffrent alors de la piraterie dans les Caraïbes pendant une quinzaine d’année et le roi Philippe V décide de redonner un regain d’énergie à sa flotte désorganisée en construisant de nouveaux bâtiments plus modernes 5.

Il devient difficile par la suite pour l’Espagne de protéger ses colonies et ses transactions commerciales en Atlantique tout en fournissant un appui important à leurs alliés français face à la puissante « royal navy ». De plus, le Portugal, éternel rival, tente de prendre le pas sur l’Espagne en Amérique du Sud mais cette puissance est aussi en déclin : les attaques anglaises et néerlandaises subies au XVIIe siècle ont affaiblit la puissance Portugaise et de sa flotte ne subsistent que des bâtiments solides juste assez nombreux pour défendre le Brésil et les comptoirs en Inde. Les conquêtes ibériques ne sont plus d’actualité, sachant que l’essor des Français et des Anglais risque de masquer toute autre puissance rivale dans ce siècle de domination maritime.

C’est ce pourquoi l’Espagne et le Portugal concentrent leurs forces sur la défense de leurs territoires longuement et durement acquis afin de prospérer sans risquer de nouvelles pertes. Une politique de colonisation tout autre de celle du XVIIIe siècle permettra au Portugal de redevenir une puissance d’importance au XIXe siècle.

Le déclin progressif de la Hollande

Map of the Republic of the Seven United Netherlands Drawn by Joannes Janssonius, Published in Amsterdam

Map of the Republic of the Seven United Netherlands
Drawn by Joannes Janssonius, Amsterdam

La Hollande est depuis le XVIe siècle une puissance européenne indépendante, en croissance, et passe au XVIIIe au premier plan parmi les puissances européennes. Elle base son économie sur un commerce prospère depuis la Renaissance et profite d’une forte puissance maritime afin de le conserver. En matière de colonisation, la Hollande montre une politique tout à fait pacifique, négociant le plus souvent possible en Inde un statut de protectorat des comptoirs commerciaux. Les seigneurs locaux restent souverains de leurs terres tout en marchandant intensivement avec les Provinces-Unies. Une autorité militaire hollandaise n’est donc pas obligatoirement requise. Ce commerce florissant et la sérénité des colonies hollandaises depuis longtemps acquises en Inde pousse Français et Anglais à revendiquer les richesses bataves.

La suprématie des Hollandais sur mer leur permet de farouchement lutter pendant les guerres anglo-néerlandaises et la guerre de Dévolution mais l’infériorité des troupes terrestre des Provinces-Unies face à la France dévoile leur point faible. C’est cette crainte de la France qui pousse Guillaume III d’Orange à une alliance avec les Britanniques. A sa mort en 1702 la Hollande est affaiblie par des crises au sein du commerce mais sauve d’une quelconque conquête française. Cependant la Hollande est sous l’égide anglaise et donc à sa merci. Les régents aristocratiques succédant à Guillaume III ordonnent une isolation de la Hollande dans les affaires étrangères afin de se couper de la tutelle anglaise et de reconstruire son économie. Cette prudence va permettre à la Hollande d’échapper aux guerres meurtrières de succession d’Autriche et de Sept Ans. Elle conserve son empire jusqu’au XXe siècle 6.

Guillaume IV qui succède en 1747 aux régents reconstitue une armée et une flotte afin de mieux contrer les menaces extérieures. Au cours des guerres de succession d’Autriche et de Sept Ans, la Hollande qui reste autant que possible extérieure aux conflits, cède aux exigences anglaises et permet aux troupes britanniques de débarquer sur son territoire.

En 1780, la révolution batave menée par la bourgeoisie empreinte de la philosophie des Lumières, dépossède la lignée des Oranges du trône de Hollande. Rapidement la république Batave est proclamée, mais en 1787 les forces anglo-prussiennes écrasent l’armée républicaine largement inférieure en nombre et réinstallent Guillaume V à la tête de l’État. La Hollande a donc perdu toute indépendance et se trouve entre les influences anglaises et françaises à la fin du XVIIIe siècle.

Les colonies sur le nouveau continent

1 H.E Jenkins, Histoire de la marine française, Paris, Albin Michel, 2004, p. 18-24.

2 H.E Jenkins, Histoire de la marine française, Paris, Albin Michel, 2004, p. 36-38.

3 Lucien Bély, Les relations internationales en Europe VII-XVIIIe siècles, Paris, Thémis, 1991, p.65-78.

4 Jeremy Black, La guerre au XVIIIe siècle, collection Atlas des guerres, Paris, Autrement, 1999, p. 150-172.

5 Lucien Bély, Les relations internationales en Europe VII-XVIIIe siècles, Paris, Thémis, 1991, p. 167-184.

6 Lucien Bély, Les relations internationales en Europe VII-XVIIIe siècles, Paris, Thémis, 1991, p. 444-467.