L’énigme d’une épée retrouvée.
Le 26 janvier 1788 Jean-François Galaup de La Pérouse atteint Botany Bay, une baie située dans la ville australienne de Sydney. Il est reçu par les Britanniques ces derniers ne vont pouvoir lui fournir des vivres car ils n’en ont plus en stock, mise à part de l’eau fraîche et du bois. Cependant profitant de l’accostage, Lapérouse donne ses derniers journaux et lettres afin qu’ils soient transmis en Europe juste avant que celui-ci disparaisse peu de temps après.
Le 13 mai 1826 le capitaine Peter Dillon, aventurier irlandais habitué du Pacifique fait escale à Tucopia afin de revoir deux de ses compagnons. Sur l’île, il découvre la garde d’une épée en argent d’origine européenne; le premier indice de la disparition de Lapérouse. En interrogeant un indigène, il apprend que cet objet provient d’une île voisine nommée Vanicolo, aujourd’hui Vanikoro, distante à quelques jours de bateau. Là bas, des hommes blancs issus d’un ancien naufrage seraient encore en vie1.
Dillon intrigué par cette histoire et connaissant bien la disparition de Lapérouse en ces lieux, tente de rejoindre l’île, en route il est surpris par le mauvais temps et le manque de vivres l’empêche de poursuivre son voyage, mais il se promet de s’y rendre plus tard2. Après un détour au Bengale et faisant part de sa découverte auprès de la compagnie des Indes cette dernière lui octroie un navire pour rejoindre cette île mystérieuse3. Arrivé en 1827 à Vanicolo, Dillon retrouve de nombreux objets français dont la cloche de l’astrolabe et confirme bien sa trouvaille sur les lieux du naufrage d’après le témoignage des indigènes.
L’enquête jusqu’à l’astrolabe.
En décembre 1827, le marin et scientifique français Dumont d’Urville chargé de faire un tour du monde à des fins scientifiques et par la même occasion de retrouver des traces de Lapérouse, fait ne halte à Hobart en Tasmanie. Ce choix précis est du à une lettre que lui a adressé le ministre de la marine qui mentionne, comme nous pouvons le constater dans l’extrait proposé ci-dessous, qu’un capitaine américain aurait aperçu entre les mains des indigènes des indices matériels appartenant à l’équipage de Lapérouse.
Il fouille les plages et les récifs de Vanicolo, et y découvre une zone déboisée où auraient vécu les naufragés. Par chance un des naturels fini par accepter et amène les Français au lieu du naufrage que l’on nomme « La fausse passe ». c’est ici que d’Urville finit par retrouver le lieu de l’épave du navire l’Astrolabe d’où il remonta beaucoup d’objets, tels que des ancres ou des canons. Cependant aucune trace de la Boussole. Avant de repartir il édifia un mémorial sur l’île en l’honneur de Lapérouse et de ses compagnons de l’Astrolabe le 14 mars 1828 en souvenir de Lapérouse et de son expédition.
Vanikoro l’île de brume.
Située à l’Est des îles Salomon et à l’Ouest de l’océan pacifique, Vanikoro est une petite île faisant partie des archipels des Santa Cruz. Nous pouvons aujourd’hui donner une description complète de sa géographie ; longue d’environ vingt cinq kilomètres sur huit kilomètres de large pour les parties les plus longues, le mont Kopago culmine environ à huit cent mètres. Vanikoro est constituée de deux îles, formées sur deux volcan: Banié au sud et Teanu au nord. De part son activité volcanique nous comprenons pourquoi une partie de l’île est montagneuse. Cette partie est couverte d’une forêt humide et dense de palétuviers, rendant impénétrables les rivages marécageux. En ce qui concerne l’océan; l’île est entourée d’une ceinture de corail aussi dangereuse pour un navire que mortel pour un homme.
Son climat équatorial est considéré par les occidentaux comme abominable, « Vanikoro/ climat mortel pour les occidentaux. »4 On constate que l’île est située dans une zone ou souffle des vents du sud-est, elle connaît alors un climat particulièrement humide ou se développent des tempêtes dévastatrices, loin de l’imagination occidentale5. L’amiral Brossard nous compte dans un de ses récits, la violence d’une tornade à Vanikoro, selon lui les voiliers de Lapérouse n’auraient pas pu résister face à de tels vents. Il ajoute notamment le peu de visibilité que rencontrent les marins lors d’une tempête, l’île est cachée par la brume et les coraux demeurent invisibles sous une mer démonté6. Il est alors impossible d’anticiper quelconque obstacle. C’est dans ces conditions extrêmes que ce développent des maladies redoutables comme la malaria ; tous les récits témoignent de la violences des fièvres de Vanikoro7. A cela il faut ajouter une faune particulièrement dangereuse que ce soit sur terre avec les crocodiles des mangroves ou en mer avec les requins.
Cependant dans cette nature à l’état brut évolues plusieurs cultures humaines. On compte aujourd’hui environ 1500 habitants ; au XIXe siècle, Peter Dillon en dénombre 1200. La population de Vanikoro est le fruit de nombreuses cultures bien que les Salomonais soient dominant, ont compte aussi parmi eux des Polynésiens, Micronésiens, des Européens et des Asiatiques8. Chaque communauté cherche à revendiquer sa primauté sur l’île on assiste pendant plusieurs siècles à de féroces combats entre tribus, bien que les Vanikoros vivent en paix aujourd’hui ce n’était pas le cas lors du naufrage de Lapérouse. De plus, les Polynésiens avaient une religion très complexe et facile à enfreindre pour des européens dans l’ignorance, il est probable que ce clivage culturel ait coûté la vie à certains naufragés9.
1: Lapérouse, Voyage autour du monde sur l’astrolabe et la Boussole, Paris, La Découverte, 2005, page 23.
2: LE BRUN D, La malédiction Lapérouse,1785-2008, Sur les traces d’une expédition tragique, Paris, Omnibus, 2012, page 80.
3: Dillon P, Voyage aux îles de la mer du sud, en 1827 et 1828, et relation de la découverte du sort de la Pérouse, Paris, Pillet aîné,1830, page 88.
4: PLANETE THALASSA, Le mystère de Vanikoro : une histoire, un film, une équipe, France 2 renaissance, 2003.
5: BEAUMONT E, Vanikoro, journal d’un médecin légiste sur « l’île du malheur » où périt Lapérouse, Tahiti, au vent des îles, 2004, page 113.
6: MEISSNER H : Lapérouse, le gentilhomme des mers, Paris, Perrin, 2005, page 71.
7: DOMINIQUE LE BRUN, La malédiction Lapérouse,1785-2008, Sur les traces d’une expédition tragique, Paris, Omnibus, 2012, page 205.
8: BOURGEOIS Y, Le mystère de Vanikoro, Film documentaire, 1999.
9: MEISSNER Ho, La Pérouse, le gentilhomme des mers, Paris, Perrin, 2005, page 57.