Deux organisations fondatrices : L’Association des Dames Françaises et l’Union des Femmes de France
A sa création, la Société de Secours aux Blessés militaires – SSBM –, est dirigée par un conseil central composé de cinquante membres exclusivement masculins. Mais les femmes ne sont pas totalement exclues de la direction. Effectivement, le conseil nomme un « comité des dames » de cinquante personnes, à la tête duquel sont placées plusieurs vice-présidentes et une présidente générale. Malgré cela, les fonctions exercées par les femmes sont secondaires et soumises aux directives du conseil masculin. Les femmes possèdent des tâches administratives et pratiques et leur avis n’est quasiment pas consulté dans la politique de l’œuvre.
En prenant l’exemple de l’Union patriotique des Dames Allemandes, le docteur Auguste Duchaussoy, professeur agrégé à la faculté de médecine, crée avec Emma Keochlin-Schwartz, l’Association des Dames Françaises – ADF – en 1879, afin d’intégrer les femmes dans la Croix-Rouge et pour qu’elles n’aient plus un rôle figuratif au sein du groupe. L’ADF accorde une place plus importante aux femmes, en particulier dans les prises de décisions du conseil central.
En revanche, en 1881 apparaît des désaccords sur la conception de l’ADF. La méthode de l’enseignement ne convenant pas et la place non suffisante des femmes dans la Croix-Rouge, pousse Emme Koechlin-Schwartz à créer l’Union des Femmes de France -UFF-. Cette association, exclusivement dirigée par des femmes, résulte d’une réelle volonté de diriger et de prendre des décisions de manière libre.
La création de ces deux institutions au sein de la Croix-Rouge pousse donc la SSBM à prendre en compte de manière plus importante le rôle des femmes. L’élaboration de ces associations permet en effet d’accepter de leur procurer de nouveaux statuts. Il faut savoir qu’auparavant la SSBM n’était pas convaincue de l’utilité des dames de la Croix- Rouge.
Cependant, Daniel Palmeri dans son article Guerre, humanité et féminité: le Comité international de la Croix-Rouge et les femmes (1861-1965) extrait du livre Femmes et relations internationales au XXe siècle met notamment en avant que les femmes élues au sein du CICR ne seraient pas le fruit du hasard. En effet selon lui, l’élection des femmes dans le CICR répond à des critères bien précis comme notamment celui de la religion, de la nationalité, le milieu social, et la tradition familiale. L’acceptation des femmes au sein de la Croix-Rouge semble donc pendant un certain temps basé sur le statut plutôt que sur le sexe.
Les femmes dans les conflits : un renouveau de la condition féminine
A l’issu des deux conflits mondiaux de 1914 à 1945, on observe que les femmes tendent à une émancipation politique, économique et sociale. En effet, lors de la Première Guerre mondiale, la création d’un nouveau mouvement féministe accroît leurs revendications d’instruction et d’accès au droit de vote. Les femmes se mettent en avant et veulent se faire entendre tant à la Croix-Rouge, en ayant la volonté d’accès aux formations et à des postes à responsabilité, que dans la vie de la société de l’époque. Cette augmentation du nombre de travailleuses révolutionne l’image de la femme traditionnelle au foyer, même si elles ont toujours exercé une activité professionnelle. Néanmoins, l’engagement des femmes n’a pas empêché les hommes de reprendre leurs emplois, lors de l’entre-deux guerres, les remettant face à leur rôle traditionnel d’épouses et de mères. C’est la raison pour laquelle Françoise Battagliola dans Histoire du travail des Femmes explique que les historiens des années 1980 parlent de relativiser cette évolution soudaine du statut des femmes et que cet impact n’est en réalité pas durable.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, les femmes se voient confier de nouvelles tâches. Elles sont à l’origine de la création des fameuses sections d’IPSA -Infirmières pilotes secouristes de l’air- en 1934. Elles suivent également les armées alliées et participent au débarquement, à la Libération et aux rapatriements des prisonniers et des déportés. Le deuxième conflit mondial marque également la fusion des trois associations UFF, ADF et SSBM qui prendront le nom de la Croix-Rouge en 1940. Loin d’être anodine, la réunion de ces trois associations marque l’intégration des femmes dans l’institution et fait passer le message d’une reconnaissance envers leurs efforts. La fin de la Seconde Guerre mondiale pose le principe de l’égalité des sexes. L’ordonnance du 21 avril 1944 préparé à Alger par le CFLN -Comité Français de la Libération Nationale- et signé par De Gaulle donne le droit de vote aux femmes tant réclamé depuis les années vingt et trente. De plus lors du préambule de la constitution de la Quatrième République, « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». En revanche il faut attendre l’épisode de mai 1968 pour qu’elles connaissent une véritable ascension sociale.
Les femmes de la Croix-Rouge depuis 1968
La femme de la Croix-Rouge n’est plus considérée comme inférieure aujourd’hui et elle est intégrée de la même façon que les hommes. Elle a même l’avantage du nombre, toujours très largement majoritaire. En revanche, avant d’en arriver là, il a fallu qu’elles affrontent un épisode particulièrement important pour leur ascension dans la société et par conséquent dans la Croix-Rouge : la crise de mai 1968.
La Croix-Rouge agit en neutralité en portant secours autant aux manifestants qu’aux forces de l’ordre. 450 interventions, 150 évacuations et près de 250 secouristes ont été présents, et leur aide fut bien précieuse notamment lors de la violente manifestation du Quartier Latin qui se déroula la nuit du 24 mai au 25 mai 1968. Les revendications de mai 1968 passées, elles peuvent désormais porter un pantalon, symbole d’évolution des mœurs, de libération et de révolution sexuelle.
La nouvelle femme de l’après 1968 est celle qui connaît une ascension. En effet elles n’accèdent plus seulement à des postes directionnels grâce à leur talent, mais sont désormais des femmes qui partent à travers le monde et qui peuvent exercer leur métier sans opposition. C’est la femme qui peut être directrice, sans avoir besoin d’avoir été la plus courageuse des résistantes lors des conflits mondiaux, ou qui n’est pas forcément issue de l’aristocratie ou d’une bonne famille. La nouvelle femme de la Croix-Rouge, c’est la femme qui après tant de lutte, peut accéder à un pouvoir et obtenir une reconnaissance. Le rôle et le statut des femmes au sein de la Croix-Rouge s’affirment, puisque le rôle traditionnel de la femme infirmière laisse place à la femme chef de projet, plus du tout cantonnée au foyer mais voyageant à travers le monde.
Les femmes sont toujours stéréotypées, néanmoins elles sont associées aux décisions. « Plus de 45 % des fonctions de présidents d’unités locales (605 au total) et 30 % de celles des présidents de délégation départementales sont tenues par des femmes à la Croix-Rouge française ». Par ces chiffres, on voit qu’elles n’atteignent pas encore l’égalité avec les hommes. En revanche, lorsque l’on regarde la liste des présidents départementaux de la Croix-Rouge du Tarn, on remarque qu’une femme est présidente de 1970 à 1979, Mme Henriette Daveau qui succède à la crise de 1968 et depuis 2010 c’est également une femme qui préside l’association : Mme Caroline Durand