Les types de navire au XVIIIe siècle

La marine au XVIIIe siècle, en plein âge d’or, se caractérise par sa diversité au niveau des types de navires, et par la normalisation dans leur construction. Un navire en particulier, la flûte, joue un rôle essentiel dans les explorations océaniques de ce temps. C’est celui choisi par Lapérouse pour son voyage.

La marine à voile au XVIIIe siècle

Pour comprendre comment la marine à voile est arrivée à son niveau d’excellence durant le XVIIIe siècle, il faut savoir comment elle l’a atteint. En effet, au milieu du XVIe siècle, de nombreuses nations (Espagne et Portugal, entre autres) se lancent à la recherche de nouvelles terres à explorer et, si cela est possible, à coloniser ou conquérir. Pour que ces expéditions soient des succès, les puissances européennes doivent se doter de navires capables de résister aux nombreux obstacles qu’opposent les mers. Dans le même temps, ces pays cherchent à s’équiper de marines puissantes et importantes pour dominer les flots et assurer leur suprématie.

Au XVIIIe siècle, la marine à voile hérite donc des acquis des deux siècles précédents et ce siècle, dit des Lumières, voit apparaître de nouvelles manières de penser les navires, avec, entre autres, de nouvelles théories qui seront la base de l’architecture navale, en particulier grâce aux travaux du mathématicien Leonhard Euler, qui pose les bases de l’hydrostatique et décrit les principes de construction d’un navire stable. Malgré les progrès accomplis, ces navires restent tout même sensibles aux aléas climatiques puisqu’ils héritent en partie de la conception des siècles précédents. En effet, les matériaux sont toujours les mêmes, c’est-à-dire en bois pour la coque et les mâts, le lin pour les voiles et le chanvre pour le cordage.

Les parties d’un navire au XVIIIe siècle : le gréement et les voiles

Comme aux siècles précédents, les navires au XVIIIe siècle se composent de plusieurs parties bien définies. On peut notamment distinguer deux éléments primordiaux : la coque, avec, de part et d’autre, la poupe et la proue. Le gréement, auquel nous allons nous intéresser en particulier avant de nous arrêter sur un type particulier de voilures, celles à voiles carrées.

La partie permettant de manœuvrer et utiliser la force des vents forme un ensemble, appelé gréement et constitué par les espars (mâts, bômes, tangons et de manière générale l’ensemble des pièces de bois rigides), les manœuvres courantes (drisses, écoutes, etc…), et les manœuvres dormantes, ou haubanage (étais, haubans, etc…).

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Partie du haubanage d’un mât.
Source : www.lexiquedelamarine.net

Les manœuvres courantes, sur un navire à voile, désignent les cordages dont on peut faire à volonté varier la longueur pour établir ou orienter les vergues et les voiles comme par exemple, l’écoute, qui est un cordage servant à régler l’angle de la voile par rapport à l’angle d’incidence du vent. En général, il y a deux écoutes dédiées à chaque voile hissée. Elles sont fixées aux « points d’écoute » de la voile qu’elles sont destinées à régler. Pour modifier l’angle de la voile, l’équipage « borde » (c’est-à-dire tend) ou « choque » (donne du mou) le bout libre de l’écoute placée « sous le vent », ce qui rapproche ou écarte l’axe de la voile de celui du bateau.

Quant aux manœuvres dormantes, ou haubanages, elles soutiennent et raidissent les mâts. Le haubanage inclut donc les haubans proprement dits, les étais, etc…, dont le principe est de soutenir le mât en convertissant les efforts de flexions latéraux et longitudinaux en efforts de tractions et de compressions.

La voilure du navire permet de manœuvrer à travers les vents. On peut différencier plusieurs types de voilures, qui, en fonction des époques et des lieux, ont eu des formes variant significativement. La voile carrée a joué le plus grand rôle dans les explorations du XVIIIe siècle. C’est avant tout le premier type de voile connu dans les pays européens. Bien que remplacée en Méditerranée par la voile latine, elle se perfectionna sur l’Atlantique et la Mer du Nord.

Les navires furent peu à peu munis de plusieurs voiles carrées se répartissant sur plusieurs mâts. Cela permit de mieux tenir la route en équilibrant les voiles de l’avant et de l’arrière, puis d’amener cette route plus près du vent. Pour pouvoir manœuvrer ces voiles qui grandissaient en même temps que les navires, il fallut les diviser. C’est ainsi qu’on disposa, au-dessus de la misaine et de la grand-voile, des huniers portés par des mâts de hune. Bientôt trop importants eux aussi, ils furent plus tard divisés en deux, le hunier fixe et le hunier volant. Au-dessus, on adapta les perroquets, sur des mâts de perroquet, puis les cacatois.

Les navires de Lapérouse

Lapérouse, comme Cook avant lui, préféra utiliser pour son voyage des navires prévus pour le transport de marchandises, plutôt que des frégates, rapides mais peu adaptées à l’emport d’une grande quantité de matériel, indispensable pour un voyage au long-cours. Il choisit des flûtes, navires de conception hollandaise, qui formaient le gros de la flotte marchande des Provinces-Unies et constituaient le type de navire marchand le plus répandu en Europe, depuis que l’essor commercial de ces dernières avait mis en évidence leurs nombreux avantages. Les flûtes parcoururent les routes maritimes européennes pendant plus de 200 ans.

La flûte disposait de cales spacieuses, plus grandes que celles des navires marchands de l’époque, et d’un faible tirant d’eau, ce qui lui permettait de remonter les fleuves et de mouiller dans les petits ports. Peu décoré, le bateau était conçu pour transporter de grandes cargaisons à moindre coût : ses cales pouvaient accueillir tout type de fret.

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Une flûte du XVIIe siècle. Gravure de Wenceslas Hollar.

C’était un bâtiment relativement long et étroit, caractérisé par un fond plat. Ronde et ventrue sous la ligne de flottaison, la coque s’amincissait au-dessus de l’eau, de sorte que le bateau présentait un pont étroit et une proue effilée ; le château arrière était également haut et étroit. L’objectif de cette forme particulière était de diminuer les taxes de péage dans les ports ou les détroits, qui dépendaient des dimensions du bateau.

La construction des flûtes fut largement standardisée avec la mécanisation des scieries utilisant l’énergie du vent. Elles étaient faites en pin, car c’est un bois abondant, économique et facile à travailler. La flûte était réputée pour ses qualités marines, bien qu’elle ne fût pas très rapide. Elle gréait trois mâts portant généralement deux voiles carrées, et, comme son gréement était relativement sommaire, elle était simple à manœuvrer et pouvait naviguer avec un équipage réduit.

Les plus grandes flûtes naviguant sur des routes dangereuses disposaient d’un pont de batterie, mais la présence de canons supposait un équipage plus important et une cargaison réduite. La plupart n’étaient pas armées, ce qui en faisaient des cibles recherchées par les pirates.

Pour l’expédition de Lapérouse, le choix de la flûte se révéla crucial. Lapérouse étant contemporain des expéditions de Bougainville et de Cook, il avait eu vent des navires choisis par ces derniers (une frégate et une flûte pour Bougainville et des charbonniers pour Cook). Il choisit des flûtes pour leurs qualités de stockage très important et en connaissant les capacités marines de celles-ci.

 Rédacteur : Cubaynes Arnaud