L’ appui du Droit International Humanitaire.
La première convention de Genève est promulguée en 1864. Elle est révisée en 1906. Elle est à l’origine du Droit International Humanitaire (DIH). Le Droit International Humanitaire régit les lois mondiales pour protéger l’être humain et réglementer l’utilisation d’armes dans un conflit. La Croix-Rouge s’appuie sur le DIH, mais aussi sur les conventions de la Haye de 1907, régissant, entre autre, les droits maritimes pour faire pression sur les États belligérants. Plus précisément, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) s’appuie sur l’article 12 de la Convention de Genève de 1906. Celui-ci stipule que les membres de santé, ainsi que les services de santé, doivent bénéficier de rapatriements lorsque leurs soins ne sont plus indispensables aux blessés. Il s’appuie également sur l’article 2 qui prévoit le rapatriement en sécurité des militaires très gravement blessés ou malades. Les États belligérants ayant ratifié la Convention de Genève doivent la respecter. Mais le début du conflit montre un manquement de certains États. Le rôle du CICR est alors de veiller au respect de cette convention. Pour cela la Croix-Rouge peut aussi compter sur le soutient du Vatican, des pays comme la Suède, l’Espagne et les organismes humanitaires protestants. L’historienne Annette Becker insiste sur l’importance du soutien des organisations religieuses, car la pression venant de celles-ci a plus d’incidence du fait que les soldats étaient souvent catholiques ou protestants. Cependant, Annette Becker note aussi que la cohabitation entre aide protestante et catholique créé des tensions entre le CICR et le Vatican.
Cette action de la Croix-Rouge auprès des États a plusieurs applications directes notamment le respect du secours aux blessés et l’amélioration des conditions de vie des prisonniers. Annette Becker note aussi que toutes les actions du CICR sont voulues neutres. Dès mars 1915, le CICR obtient l’accord de la France ainsi que de L’Allemagne pour que des convois de blessés puissent transiter sur le territoire suisse afin d’obtenir des soins. Cependant, l’historien Daniel Palmieri souligne que la Croix-Rouge ne peut pas toujours effectuer ces rapatriements en sécurité. En effet, il met en exergue le fait que la Croix-Rouge doit faire face aux bombardements des installations sanitaires et des ambulances. Il s’avère même que certains états utilisent l’emblème de la Croix-Rouge à des fins militaires.
Intervention des Croix-Rouge nationales et régionales
Pour comprendre quel a été le rôle des Croix-Rouge nationales et régionales, il est important de faire la distinction entre le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), dont le siège est situé à Genève, et les Croix-Rouge nationales. Par exemple, lorsque il y a violation des accords de Genève, ce sont les Croix-Rouge nationales qui déposent la plainte auprès du CICR, lequel fait le relais auprès des autorités politiques et militaires. L’action des Croix-Rouge nationales reste indépendante, mais s’inscrit généralement dans le cadre d’intervention du CICR.
Le CICR informe toutes les Croix-Rouge nationales de ses interventions et actions par le biais du Bulletin international de la Croix-Rouge. On peut donc voir l’action des Croix-Rouge nationales comme le relai des décisions internationales du CICR. Le CICR obtient donc un rôle de coordinateur de l’action des Croix-Rouge nationales. Comme nous l’avons vu lors de la Première Guerre mondiale, le CICR s’appuie donc sur les Croix-Rouge nationales pour intervenir sur le pays en conflit. On peut prendre, comme exemple, l’action de la Croix-Rouge japonaise dans le conflit pour comprendre comment la Croix-Rouge intervient. C’est le ministre de la guerre japonaise Oka Ichinosuke qui est chargé d’encadrer l’aide de la Croix-Rouge aux pays alliés, notamment la Russie, la France et l’Angleterre. La Croix-Rouge japonaise sélectionne son personnel avec beaucoup d’attention. Ses effectifs se composent d’une infirmière en chef ainsi que d »un médecin en chef, un pharmacien et de personnels administratifs. Le 7 février 1915, il est envoyée en France une mission japonaise composée de ces membres d’encadrement et comprenant trente et une personnes. Cette équipe vient en France à Paris et fonde « Hôpital de la Croix-Rouge militaire Japonaise » à l’hôtel Astoria, rue du Persbourg.
La Croix-Rouge s’implante aussi au niveau régional. C’est le cas du Tarn, où l’aide humanitaire est implantée à Albi et se nomme « Comité de Secours aux blessés et aux victimes de la guerre ». Cette association a pour but de récolter de l’argent ou des biens matériels comme des vêtements afin de les redistribuer ensuite dans ses différents pôles d’actions, mais aussi dans des hôpitaux de la Croix-Rouge, implantés dans le Tarn, comme à Castres par exemple. L’intervention régionale prend une dimension internationale dans l’année 1917, avec l’entrée en guerre des États-Unis. En effet, l’étude de documents d’archives1révèle l’arrivée à Albi de Mr Hamilton, professeur de Sociologie à New York et membre de la Croix-Rouge américaine. Il entre en fonction début 1917, et crée un siège de la Croix-Rouge tarnaise, qui se situe au deuxième étage de l’immeuble Rodier, rue du pont neuf à Albi. Durant cette période, il y a une intensification des apports en biens matériels vers les hôpitaux de la Croix-Rouge. Dans les documents, il est fait mention d’un événement qui montre le lien symbolique entre l’association tarnaise de secours aux blessés et la Croix-Rouge. En effet, en juillet lors d’un rassemblement où sont présent Mr Hamilton et le maire d’Albi, une œuvre de l’ébéniste Mr Périer est présentée, sur laquelle figure le nom de l’association « Comité de Secours aux blessés et aux victimes de la guerre » au coté du sigle de la Croix-Rouge américaine.
On voit donc que le CICR pendant la Première Guerre mondiale s’appuie sur les différentes Croix-Rouge nationales pour intervenir. La dimension internationale du conflit va donc de pair avec l’internationalité de l’intervention. Nous avons vu que l’intervention des membres des Croix-Rouges américaine ou japonaise fonctionne par missions et quelles ont une importance capitale dans l’organisation de l’aide sur les territoires où la guerre a lieu.
L’AIPG et la protection des prisonniers.
Suite à la Bataille de la Marne de septembre 1914, le CICR comprend que la guerre va durer, ce qui implique que la captivité des soldats s’annonce longue. Au départ, les prisonniers de guerre sont protégés par les Conventions de la Haye de 1907, mais le conflit est rapidement vecteur d’inégalité et de non respect des conventions pour les prisonniers.
Le CICR est à l’époque dirigé par Gustave Ador, homme politique suisse. Il est conscient
de la situation des prisonniers et crée le 21 août 1914. L’ Agence Internationale des Prisonniers de Guerre (l’AIPG). Au départ, environ 1200 personnes travaillent au sein de l’AIPG mais au cours de la guerre elle accueille 3000 autres collaborateurs. Elle est structurée en plusieurs services nationaux. Leur nombre augmente au fur et à mesure de l’entrée en guerre des États. Au final les États au nombre sont 14, franco-belge, britannique, italien, grec, américain, brésilien, portugais, serbe, roumain, russe, allemand, bulgare, turc, Austro-Hongrois. Leur objectif de départ est d’obtenir des informations sur les conditions de détentions des prisonniers de guerre auprès des États belligérants. Il créé alors des fiches pour le recensement des prisonniers et pour faire le lien avec les familles. A la fin de la guerre, l’AIPG de Genève stocke plus de six millions de fiches (qui concernent environ deux millions et demi d’individus). Ceci constitue une base de données importante pour l’époque, même si certains fichiers nationaux restent incomplets.
Le CICR se rend ensuite très vite compte qu’il ne peut limiter son action au recensement des prisonniers, car cette action ne suffit pas à combler les manquements des Etats belligérants et entraîne même des dérives. En effet on assiste d’après Francois Bunion à « un mécanisme des mesures de représailles », qui consiste à retirer des privilèges (nourriture, solde) aux prisonniers en les comparant avec le traitement des prisonniers adverses. Suite à cette prise de conscience, Gustave Ador propose aux états allemand, anglais, français, italien la mise en place de missions de visites des camps de prisonniers par des délégués du CICR. Gustave Ador est allé négocier personnellement pour la mise en place de ces missions auprès du gouvernement français et allemand et participe aux premières visites des camps de prisonniers. Suite à ces démarches diplomatiques dès janvier 1915, le CICR est en mesure d’inspecter les camps d’internements d’Allemagne, Grande-Bretagne et France, puis cette mesure s’étend au fil de la guerre à tous les Etats belligérants. Au final, le CICR envoie 54 missions itinérantes qui visitent 524 camps de prisonniers en Europe, mais aussi au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie. A la suite de ces visites, un rapport est rédigé par les puissances protectrices neutres, l’Espagne, les Pays-Bas, la Suisse, mais aussi les États-Unis jusqu’à leur entrée en guerre en 1917, et le Vatican. Les rapports sont ensuite publiés, le but est de montrer la réalité des camps aux États belligérants et ainsi faire pression pour l’amélioration des conditions de vie des prisonniers.