Les stigmates laissés par la Seconde Guerre mondiale ainsi que la superposition des crises liées à la Guerre froide, à la décolonisation, puis l’effondrement de l’URSS seront pour le monde humanitaire le vecteur de profonds bouleversements et de remise en question de ses actions. Le monopole de la Croix-Rouge va être contesté et d’autres organisations vont prendre une part importante dans le paysage humanitaire international, en venant en aide aux populations victimes de conflits ou de crises. C’est notamment le cas de Médecins Sans Frontières, Amnesty International ou encore Handicap International, pour ne citer qu’elles. Outre la multiplication du nombre de ces organisations non gouvernementales sur la scène internationale, leurs actions vont peu à peu se diversifier. En effet, l’aide humanitaire ne se porte plus exclusivement sur l’aide d’urgence – qui, aujourd’hui, représente 37% des activités des ONG – mais davantage sur les soins apportés aux populations civiles ou encore à la protection de l’environnement.
Aujourd’hui, la Croix-Rouge est confrontée à une concurrence accrue de nouvelles organisations non gouvernementales, qui agissent presque toutes sur les mêmes domaines. Cela n’empêche néanmoins pas une coopération dans le but de mission humanitaire : on peut citer par exemple l’ouverture d’un centre de traitement contre Ebola à Macenta en novembre 2014, construit par Médecins Sans Frontières, qui a formé une partie du personnel, et qui est désormais géré par la Croix-Rouge française. Mais, pour pouvoir réinventer son statut de pionnière de l’action humanitaire, la Croix-Rouge française tente désormais de se démarquer en privilégiant une intervention sur le plan local. Elle ne se prépare plus à la guerre même si cette organisation a été créée à l’origine dans ce but. En effet, il faut bien se souvenir qu’elle s’appelait au départ Société de Secours aux blessés militaires alors qu’aujourd’hui, elle se présente comme une auxiliaire du service et de la santé des Armées, de la Santé, et des Affaires sociales. Elle tente donc désormais d’agir continuellement en temps de paix en mettant en place des actions sociales. A l’échelle locale, la Croix-Rouge française agit sur trois pôles principaux : l’urgence et le secourisme, l’action sociale, la santé et l’aide à l’autonomie. Elle accorde plus d’importance à ses actions locales. Par exemple, en 2011, sur le milliard d’euros dont disposait la Croix-Rouge française, 900 millions ont étaient consacrés aux établissements locaux, contre 40 millions pour l’international. A la différence d’autres ONG, la Croix-Rouge n’est ni thématique comme les Restos du Cœur, ni communautaire comme Le Secours Populaire ou l’Armée du Salut. Cependant, elle se doit d’être réorganisée en profondeur pour continuer de perdurer, notamment sur le plan international.
Le CICR réagit en consolidant les domaines construits depuis sa création, tout en élargissant ses actions sur ces champs nouveaux pour demeurer pionnière de l’action humanitaire. Spécialiste de l’humanitaire d’urgence, ses actions se portent sur l’aide et les soins apportés aux militaires comme aux civils. Son efficacité est basée sur ses différentes déclinaisons au sein même des États en fédération de sociétés nationales. Ainsi, ceci lui confère rapidité et efficacité d’action mais aussi neutralité, qui lui permet notamment d’intervenir dans des situations complexes comme par exemple pour la libération d’otage. Sa notoriété lui ouvre les portes d’un contact privilégié avec les États qui se traduit dans les faits par l’élaboration du droit international humanitaire. Cependant, elle est aujourd’hui pluridisciplinaire en agissant dans de nombreux domaines et sort du cadre « classique » de ses activités. On peut citer l’aide aux populations comme au Kenya en 2008 où le CICR mit en place des unités de désalinisation de l’eau de mer proche de la frontière somalienne en guerre. Le CICR supervise également des programmes d’évacuation des ordures, de nettoyage des bidonvilles, de lutte contre la pollution, de reboisement ou de gestion des ressources naturelles.
Réhabilitation de puits d’eau par des agents de la Croix-Rouge dans l’Ouest ivoirien, décembre 2011
Le CICR n’a donc pas été dépassé par les mutations de l’humanitaire et a su se réinventer pour rester une ONG incontournable.