L’Orient, nouvelle cible des puissances européennes.

Les Indes, un territoire immense au cœur de la colonisation au XVIIIe siècle. 

Pour tous les États européens, la course à la colonisation devient une priorité au XVIIIe siècle. La France et l’Angleterre font passer leurs colonies en Orient au même niveau d’importance que celles en Amérique. Pour les autres puissances, il s’agit de faire face aux guerres et aléas de la politique en attendant de pouvoir eux aussi fortifier leurs positions dans la colonisation. Le Portugal possède au XVIIIe siècle des ports en Inde (Goa, Macao, Timor) très fortifiés et défendus par de nombreuses troupes recrutées à Lisbonne dans les quartiers pauvres. L’infériorité commerciale et navale du Portugal sur les autres États au cours du XVIIIe siècle l’oblige à protéger au mieux ses colonies dont dépend une importante part de son économie. La politique d’extension des colonies françaises se fait par l’agrandissement géographique et commercial des villes déjà conquises.

Éric Paul Meyer, Une histoire de l’Inde : les Indiens face à leur passé, Paris, Albin Michel, 2007.

Éric Paul Meyer, Une histoire de l’Inde : les Indiens face à leur passé, Paris, Albin Michel, 2007.

A partir de 1741, le gouverneur des colonies en Inde nouvellement nommé, Joseph François Dupleix, décide d’étendre au maximum les colonies françaises pour fonder un réel empire colonial français. Ceci ne pouvant être exécuté sans empiéter sur les colonies anglaises, Dupleix décide de mener une série d’escarmouches et repousse les troupes anglaises pour contrôler une plus grande partie de l’Inde à l’intérieur des terres (comme l’indique la carte ci-dessus). Cette initiative étant prise sans l’appui de ses supérieurs dans la métropole, Dupleix perd toute aide de la Compagnie. Dupleix perd finalement ses territoires conquis en 1744 et est rappelé en 1754 à la métropole. Suite à ces événements, la France connaît un déclin certain et voit l’Angleterre prendre en 1757 le contrôle de tout le Bengale suite à la bataille de Plassey.

La Compagnie française des Indes orientales est dissoute en 1765 par la couronne qui reprend le flambeau mais n’arrivera jamais réellement à reconstruire un empire colonial en Inde. Ce territoire marque donc un autre lieu où les Anglais ont prouvé leur détermination et leur supériorité. Ces derniers défieront et affaibliront la Compagnie Hollandaise des Indes orientales qui à cause de sa petite envergure au sein de l’Europe n’aura pas assez de puissance maritime et militaire pour défier les Anglais au cours de la quatrième guerre anglo-néerlandaise (1780-1784).

La puissance en Inde des Anglais ne cesse alors d’augmenter au XVIIIe siècle au fur et à mesure que les autres puissances déclinent peu à peu face à la puissance britannique. L’Inde devient au XVIIIe siècle un territoire phare de la colonisation en orient et le théâtre de grands conflits entre des puissances européennes visant à toujours plus s’étendre 1.

 

Les compagnies à charte en Orient.

Au XVIIIe siècle les Compagnies des Indes européennes prennent le contrôle de colonies de plus en plus nombreuses. Le XVIIIe siècle voit les Compagnies Françaises, Anglaises et Hollandaises des Indes s‘affronter pour le contrôle de l’Orient par un jeu de rapidité d’action et de stratégie politique dans l’annexion de territoires riches en nouvelles matières premières. Les transactions entre les pays européens et les pays locaux se fait par l’intermédiaire de comptoirs commerciaux dont le rôle est de superviser tous les échanges et le bon fonctionnement de ceux-ci entre les clients et les exploitants.

Combat naval en vue de Gandeloup, 20 juin 1785, Auguste Jugelet, 1836, Musée national du château de Fontainebleau, 115x165cm.

Combat naval en vue de Gandeloup, 20 juin 1785, Auguste Jugelet, 1836, Musée national du château de Fontainebleau, 115x165cm.

La Compagnie Anglaise des Indes orientales ne voit son expansion coloniale fleurir en Asie qu’au XIXe siècle mais s’implante pourtant fortement en Inde et en Chine, et plus particulièrement au Bangladesh (appelé Bengale), où ils affaiblissent les populations par de lourdes taxes et tiennent en échec les autres Compagnies et le seigneur local (Dîvan) grâce à leurs importantes ressources et leurs avancées militaires considérables.

La Compagnie Française des Indes s’installe du XVIe au XVIIIe siècle en Asie, dans de petites colonies qui deviennent de puissants ports économiques (Pondichéry ou Kârikâl). Ce contrôle tient évidemment de l’influence politique, économique et non martiale de la Compagnie. Les Compagnies à charte tardent à s’intéresser à l’Extrême-Orient à cause de la réticence des empires locaux à les voir s’accaparer leurs terres et aussi à cause de la distance qui sépare ces contrées des métropoles européennes. C’est sans doute pour cela que la France et l’Angleterre lancent au milieu et à la fin du XVIIIe siècle des expéditions d’explorateurs à travers le monde pour découvrir et s’approprier de nouvelles terres. 

Le Pacifique, un nouvel espace de découvertes.

Les explorations de Bougainville, James Cook et de Lapérouse sonnent le glas d’une expansion des horizons possibles à coloniser. Ces premières grandes explorations ont lieu avant et après la guerre de Sept Ans. Lapérouse, contrairement à Cook, voit son expédition comme une véritable découverte « scientifique » et non une mission de repérage pour la Compagnie Française des Indes orientales, bien que celle-ci tire profit des découvertes financées par le royaume.

Les expéditions françaises et anglaises se concentrent sur trois objectifs distincts en trois étapes chronologiques : de 1764 à 1771, la recherche d’un point de repère dans des latitudes tempérées; de 1772 à 1776, la recherche d’un continent austral; à partir de 1776, la recherche d’un passage entre les océans Atlantique et Pacifique au nord du continent Américain 2.

Pour Lapérouse et la France, les découvertes ne sont pas ce qu’elles auraient dues être : il trouve son point de repère dans l’océan Indien mais arrive quelques semaines après Cook au large de l’Australie : la découverte est donc anglaise. C’est aussi un échec pour trouver un passage au nord des Amériques où la mer de glace empêche tout passage. Les principales conquêtes faites pendant les explorations du XVIIIe siècle sont celles de James Cook en Australie et en Nouvelle-Zélande où il baptise plusieurs lieux pour leur donner ensuite une véritable attribution britannique.

Resolution and Adventure with fishing craft in Matavai Bay, William Hoges, 1776, 320x227 cm.

Resolution and Adventure with fishing craft in Matavai Bay, William Hoges, 1776, 320×227 cm.

 Vingt ans plus tard, en 1788, les Anglais débarquent sur le site de découverte de Cook pour fonder la première colonie australienne qui devint la colonie de Sydney, encore aujourd’hui grande ville d’Australie. La France fait, elle l’acquisition d’îles au milieu du Pacifique (Polynésie) mais cela semble bien moindre face aux richesses du continent austral que remportent les Anglais3.

1 Philippe Haudrère, Le grand commerce maritime au XVIIIe siècle, Paris, Sedes, 1997, p. 24 à 30.

2 Robert Muchembled, Le XVIIIe siècle, 1715-1815, Histoire moderne, Paris, Bréal, 1997, p. 72-84.

3 Christopher Lloyd, Relations de voyages autour du monde, 1768-1779, Paris, La Découverte, 2005, p. 330-342.