La valse du temps

Une folle farandole se produit devant moi. Au milieu des perles de pluie, une valse de couleurs danse dans un grand arc-en-ciel maussade. Gauche, droite, et on abaisse. On attrape son sac, demi-pointe, et on dégage.

La grande horloge qui surplombe la cour. 1880. Elle en a vu des danses, métronome qui donne la cadence. Des soldats, puis des étudiants. Différentes générations qui ont pourtant eu le même âge. Tac. Tac. Tac. Un siècle. Pourquoi elle est si rapide ? Ralentis. Les élèves avancent plus vite, les perles sont plus abondantes, formant des bourrasques qui soulèvent les capuches. Les minutes passent au rythme des gouttes. La musique est plus forte. Ralentis, je t’ai dit. Une étudiante fait tomber un cahier, un soldat le ramasse et lui rend. Elle hoche la tête pour le remercier et repart en petites foulées. Ralentis ! C’est insoutenable, le vent fouette, tout le monde court. Fuit. Ce n’est rien la pluie, ne courez pas ! Revenez ! Ils se foncent dedans sans se percuter. Dans un sens. Dans l’autre. La danse n’est plus rythmée. L’aiguille s’affole dans le cadran. Ne partez pas ! Tout devient flou, on n’entend plus rien, à part cette tempête qui claque dans les oreilles. Mais ralentis, bon sang ! L’orage gronde, des branches se cassent, les soldats courent avec leurs armes, se mélangent aux étudiants qui courent avec leurs sacs. Restez là, je vous en prie !

C’est alors que le tonnerre éclate, le ciel s’illumine, puis s’éteint comme si on avait appuyé sur un interrupteur. La pluie s’est tue, la danse ne bat plus son plein, les minutes sont aussi longues que durant un cours magistral, et il n’y a plus que quelques élèves qui se dirigent nonchalamment vers la sortie. Chancelante, j’attrape mes affaires et retourne en cours.

Eléa

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