Les Moaï de Champollion

Un soir après les cours, je me dirigeais vers la sortie. Il faisait bon, le soleil se couchait et me caressait doucement la nuque. Je me laissais aller avec fièvre à ce sentiment de bien-être, je me surpris même à m’arrêter en plein milieu du chemin, laissant cette tiédeur effacer tout le stress des dernières semaines. Les rayons du soleil donnaient l’impression d’un bain chaud, la chaleur comme une couverture apaisante qui recouvrait mon corps. J’avais l’impression d’avoir la tête sous l’eau et que les sons qui parvenaient à moi étaient lointains, les mots incompréhensibles, tels les babillements d’un nourrisson.

Ce furent les voix d’étudiants non loin de moi qui me sortirent de ma torpeur ; ils étaient allongés sur les sortes de bosses d’herbe dans la cour de l’université, me donnant l’image du cliché américain à la High School Musical, sur la musique « The Middle » de Jimmy Eat World, rigolant à gorge déployée, tout en révisant et en mangeant des Cheetos goût fromage bacon.

Je ne m’arrêtais pas sur cette peinture idyllique que m’offraient les étudiants devant moi. Mon regard se porta plutôt sur ces « bosses », ce qui m’amena à m’interroger : pourquoi n’avoir pas plutôt fait un sol plat ? Pourquoi avoir créé ces sortes de collines, qui donnaient l’air d’un terrain de golf ? Non pas que je veuille critiquer, je trouve ça original, et cela me rappelle mes années d’enfance à la campagne, mais je souhaite simplement soulever des questions qui ne semblent tracasser personne.

Peut-être que Champollion s’inquiète pour le dos de ses étudiants ? Mais ces bosses compliquent tout de même beaucoup le travail de Roger, qui reste parfois bloqué les quatre roues en l’air. Alors, pourquoi avoir pris le temps de rajouter de la terre pour former ces irrégularités ?

Ce fut alors comme une illumination ! Champollion cherche à nous cacher quelque chose. Serait-ce les ruines d’une arène antique ? Les restes de la deuxième cathédrale d’Albi ? Des décombres d’un ancien bâtiment militaire ? Ou bien des bunkers !

En me tenant toujours au même endroit, je me mis à imaginer, sans vraiment que je sache pourquoi, d’immenses corps longilignes, allongés sous l’herbe, qui avaient pour tête les visages de pierre grimaçants se trouvant devant le bâtiment multimédia. La raison de ces expressions torturées est-elle qu’ils ne parviennent pas à bouger un orteil ? Car en effet, ces golems de pierre doivent supporter les étudiants qui s’allongent sur eux en pensant qu’ils sont de simples buttes, qui marchent sur eux et font tomber leurs miettes de gâteaux et leurs papiers gras sans se préoccuper de ramasser…

Et Roger, alors… leur ennemi qui rase leur herbe sans leur demander leur consentement ? Où sont passés tous ces gens qui parlent de la liberté de garder ses poils ?

Elea

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