L’espace détente du bâtiment Jean Jaurès est un lieu de transgression. Alors regarde-nous, quand on s’y installe, apex predator, chasseurs endurants. Regarde-nous prendre en embuscade nos semblables.
Mais nous les interrompons. Notre présence les fait fuir. Nous sommes jeunes et bruyants, trop vite remarqués, trop facilement esquivés.
Ceux qui arrivent entrent en silence, les bras ballants avec leur carte étudiante en main, ou croulant sous leurs sacs. Ils bataillent contre les boutons qui ne se pressent pas, qui ne sont sensibles qu’au toucher des élus. Ou bien ils rentrent, fixent la machine aux lumières éteintes, et font un demi-tour dramatique perchés sur un seul pied, propulsés par leur soupir de défaite. Puis ils disparaissent.
Et les voilà, elles qui apprennent à peine les règles du rituel. « Non non non, il faut choisir le nombre de sucres avant de choisir la boisson. »
Regarde-moi, à moitié dissimulée, mes yeux rivés sur eux.
Et puis regarde-le, lui qui s’assoie sur le comptoir. Transgression. Et puis eux qui rient à gorge déployée à côté d’une salle de classe. Transgression, je vous ai dit.
Taysa
Le sujet est intéressant, les règles et les codes, le voyeurisne de ses pairs et un certain regard de « concierge ». J’aurais aimé que vous vous atardiez un peu plus sur la machine à café, sur laquelle il faut doser le sucre, le sentiment de stress de quelqu’un qui ne sucre pas et qui se laisse prendre au piège du sucre imposé. J’aurais aimé que le narrateur soit un narrateur omniscient, y compris pour rentrer dans les machines. Votre récit a du « caméra café » en lui, cependant il lui manque l’humour trash et caustique d’un « Delicatessen ». Vous n’êtes pas loin d’y aboutir… il y a tellement de choses à voir dans une cafet, un resto U, ou une bibliothèque. Des autopsies de l’âme humaine et surtout une description plus poussée de la gestuelle et des sentiments de celui qui est observé, tout cela serait fabuleux à lire chez vous, prochainement.