Autochoochoo

Gare Toulouse-Matabiau, quai 5

La SNCF étant ce qu’elle est, je suis en retard, et je ne trouve pas ma correspondance : je suis à l’endroit indiqué, mais le train n’y est pas. C’est là que je rencontre Mathilde, une lycéenne en route vers sa famille, et Lisa, en terminale biologie. Je comprends pas quand elles en parlent, le lycée fonctionne plus pareil, je sais pas trop ce qui se passe.

Lisa est brune, avec une frange droite dans ses cheveux lisses, dont une partie est décolorée, presque blanche. Elle porte un pantalon de toile magenta et un pull polaire bleu canard, les deux beaucoup trop grands, sa voix est enrouée et elle renifle à chaque pause dans ses phrases. On se retrouve toutes les trois à attendre, et c’est elle la plus calme.

J’ai la musique beaucoup trop forte dans mon casque, Mathilde regarde le contrôleur comme si l’emplacement correct de notre train était écrit dans sa calvitie, et Lisa, elle, expire sa fumée assise en dessous d’une plaque Gare non-fumeurs.

TER 871407

Mathilde rejoint son frère à l’arrière du train, Lisa s’assoie à côté de moi. Elle sort son téléphone et moi j’ouvre mon sac. Autopsst en dépasse, et mon brouillon me revient, mon idée sur les déchets, one man’s trash is another man’s treasure et tout ça.

Mais en fait, non.

Non, le bouquin, il est pour elle.

Alors je ferme mon sac, j’inspire un bon coup et me tourne vers ma droite.

« Tu veux un bouquin? » dis-je.

« Ça dépend, t’as quoi? » me demande-t-elle. Putain, on aurait dit que je lui refourgue un truc louche. Mais au moins, elle est intriguée.

Je lui explique le projet, et puis voilà, juste comme ça je lis Shakespeare et elle lit Jeff Champo. Le bouquin est ouvert sur ses genoux, elle est plongée dedans comme si elle y avait nagé toute sa vie. Ça lui va bien, ils forment une paire adéquate.

Ouais.

Adieu au papier, je me dis en faisant défiler des textes vieux de 400 ans sur un écran LED haute définition.

Taysa

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