Stressés, les futurs étudiants entraient dans l’université sans vraiment savoir où aller. C’était les Portes ouvertes de Champollion, et les jeunes adultes restaient près de leurs parents qui les accompagnaient pour ce nouveau chapitre de leur vie. L’université s’était mise sur son 31. On ne mangeait jamais aussi bien au RU que ce jour-là.
Lucas était arrivé en avance. Venu seul, il avait eu le temps de faire le tour du campus et récupérer quelques prospectus. Il se voyait bien faire ses études ici, s’allonger sur l’herbe avec ses amis pour lire ou réviser, s’asseoir aux tables de pique-nique pour discuter des cours et des profs.
Alors qu’il s’approchait de la BU, il aperçut une drôle de femme qui tournait la tête dans tous les sens, telle une chouette, pour enfin poser son regard sur le jeune homme. Un sourire s’installa brusquement sur son visage, comme un masque, et elle s’approcha de Lucas dans une démarche molle, son bassin se balançant de droite à gauche. Cette quinquagénaire portait du crayon noir sous ses yeux, qui rendait profond son regard corbeau. Un rouge à lèvres vermeil dépassait de ses lèvres comme pour les lui agrandir, et elle portait des sortes de bracelets de cheville qui tintinnabulaient à chacun de ses pas.
« Ouuhhh, tou viennes por les portes ouvertes, c’est bienne ça ? As-tou déjà oune idée por la licencia ? demanda la femme avec un fort accent espagnol.
– Pas encore tout à fait… répondit Lucas. Enfin, j’hésite à aller en Lettres, mais rien n’est sûr, c’est d’ailleurs pour cette raison que je suis venu aujourd’hui.
– Meeerveilleux ! Merveeerveilleux ! s’exclama la femme en tapant dans ses mains, attirant les regards de quelques étudiants qui passaient. J’ai ce qu’il te faut, chiquillo ! J’ai oune test très très court, qui va t’éclairer sour ton avenir ! Grâce à cela, tou vas connaître ton vrai toi, ce que ton cœur souhaite vraiment… »
Elle agitait son ongle vernis rouge devant la poitrine du jeune garçon éberlué. Il ne voyait pas vraiment d’échappatoire, alors il acquiesça.
« Meeeerveilleux. »
Elle attrapa un tout petit téléphone Blackberry noir et chercha dessus pendant quelques secondes.
« Voilà ! Alors… quelles sont tes ambitionnes ?
– Je suppose… de réussir ma licence ? répondit Lucas en hésitant.
– Oui oui, très bueno… dit-elle en tapant sur son petit clavier. Tou as oune esprit dé compétitione, tou es soûr dé toua. La licencia dé matematicas est perfecta pour toi. »
Un ange passa entre les deux individus.
« C’est tout ? C’est la fin du test ? »
Devant la mine stupéfaite de la femme, le jeune homme se retourna pour partir, énervé d’avoir perdu son temps.
« Attends ! Attends ! J’ai autre chose… »
Elle trifouilla dans son sac à mains patchwork et en sortit des cartes de tarot en vrac.
« Écoutez… commença Lucas. Je vais rentrer maintenant, je…
– Tires-en oune ! lança-t-elle en tendant brusquement ses cartes sous le nez du garçon.
– Bon d’accord… »
Lucas s’exécuta et la regarda : dessus était dessiné un vieil homme encapuchonné qui tenait une lampe dans une main et une canne dans l’autre.
« Oooh… Tou as l’ermite ! Ça c’est… c’est… hésita-t-elle avec le regard dans le vague en cherchant ses mots.
– Je vais être chômeur ? répondit Lucas, devenant peu à peu cynique.
– No no ! s’exclama-t-elle en attrapant le bras du futur étudiant. L’ermite n’a besoin de rien pour vivre, c’est dans la connaissance qu’est le bonheur, la felicidad ! C’est oune sage ! Ta voie est les Lettres. Tou vas aller en licencia Lettres !
– Je vous ai dit au début que j’hésitais à partir en Lettres…
– Eh biène, tou es soûr de ton choix à présent ! »
Sans chercher plus loin, Lucas commença à s’éloigner.
« Attends ! Oune dernière chose. Je te donne ce lien internet, mi hijo m’a aidée à créer ce test pour savoir quelle licencia convient à la personnalidad. Peux-tou faire passer à tes amis ? Cela aiderait fortement la pauvre veuve que je souis… »
Le jeune homme prit le papier qu’elle lui tendait, sur lequel était inscrit un lien internet :
https://www.quizz.biz/quizz-1759356.html
Eléa