Je faisais traîner ma fourchette, mollement, entre les moules et les frites. Les conversations fusaient tout autour de moi. Mais peu importe les sujets… Ça finissait toujours par parler de sexe.
Il y avait Laurie et Yuna qui faisaient des blagues sales, auxquelles je répondais d’un rire bref, avant de vite m’emmerder. Lorsque j’écoutai Mehdi et Guillaume, je me rendis juste compte que l’un taquinait l’autre pour n’avoir mis aucune fille dans son lit.
Mes yeux traînèrent avec lassitude jusqu’à Marion qui se leva pour aller aux toilettes, puis Mathieu qui mit trente secondes avant d’en faire de même. Je savais déjà qu’ils reviendraient dans vingt minutes tout au plus, les joues rouges et mieux habillés qu’à leur arrivée.
Finalement, je m’arrêtai sur Arabelle, qui restait silencieuse, participait de temps à autre quand on lui posait une question, puis repartait dans ses pensées..
Je finis par regarder la grosse casserole au milieu de la table, pleine de moules, et le gros bol de frites. Puis je m’attardai sur les assiettes.
Laurie ne prenait que des moules, jamais les frites. « Trop molles ou trop dures. Avec la sauce, ça me dégoûte », disait-elle.
Yuna aimait beaucoup les deux, mais je crois qu’il y avait plus de moules, quand même. Pour autant, elle disait qu’elle ne verrait jamais sa vie sans moules et frites dans son assiette.
Mehdi, lui, ne prenait aussi que des moules. Sauf que.. Parfois, je le voyais loucher sur l’assiette remplie de frites de Guillaume. Il la zieutait tellement que ce dernier finit par lui en proposer une. Et Mehdi se resservit plusieurs fois dans son assiette, finalement, sans demander.
Manon avait englouti sa portion de frites, avant de filer. Mathieu, avait décimé la population de moules sur son plat avant de la suivre. Tout le monde mangeait plus ou moins goulûment, je trouvais. Certains appétits amenaient à moins se servir. Il fallait de tout, pour faire un monde.
Lorsque je guettai une nouvelle fois dans la direction d’Arabelle, je la vis manger d’une lenteur d’escargot. Une moule. Une grimace. Une frite ? Un soupir. Alors que Mehdi questionnait Guillaume sur ce qu’il comptait faire ce soir, je me redressai.
Arabelle et moi croisâmes nos regards.
— Ça a pas trop l’air de te plaire, dis-je doucement.
— Si, j’aime ça, mais… Juste de temps en temps. C’est pas mon plat préféré, tu vois, soupira-t-elle, Une fois tous les ans, ça passe.
Nous restâmes silencieuses un petit instant. Après un regard entre Yuna et Laurie, elles reprirent des moules ensemble. Mehdi s’essaya aux frites, Guillaume trempa les siennes, et Manon et Mathieu se resserviraient probablement tout à l’heure.
— Et toi ? T’as rien mangé du tout… s’enquit Arabelle en jetant un œil à mon assiette.
Après une hésitation, je décidai de poser ma fourchette, à côté de mon plat intouché.
— Bah… Tu sais, ce genre de plat, ça m’a jamais donné faim. Un dessert, ça te dit ?
Esprit