Pangolinistes

Dans l’air de la convivialité et de la grossièreté, des hommes. Tous épris d’une folie dansante alcoolique. Whisky gourmand ne cesse de réclamer : vitalité, humour et bonheur. Créateur de querelles entre le pique et le carreau pour finir en duel – le jeu en vaut la citadelle. Lieu ricain où la photographie monochrome dépeint la silhouette d’un jeune fumeur moustachu au chapeau. Des souvenirs de voyage, de cet homme au cigare, cloué aux murs face au comptoir. Au dos des tabourets, un vieux fusil qui pointe l’entrée, regardé de biais par la tête de chevreuil accroché sur le côté. Enveloppés par l’odeur de tabac, de sueur et de bois : de sobres visages cachés sous des Stetsons et la lumière tamisée des lampes à pétrole. Un air de jazz saupoudre le brouhaha des clients.

SHÉRIF DAVIS (d’une voix rauque) : Morbleu, l’heure est grave. Messieurs, les Martiens sont là et veulent le cuir d’Austin.

UN CLIENT (d’une voix tremblante) : Que… Comment ça, les Martiens ? Qu’est-ce qu’ils veulent ? On doit faire quoi contre les extraterrestres, Shérif ?

SHÉRIF DAVIS : L’union au combat est la meilleure des alliées que nous pussions avoir. D’après mon flair d’enquêteur, cette bande de hors-la-loi, les Martiens, sème la terreur dans tout le pays avec ses crimes odieux. Il est donc de mon devoir de protéger Austin de cette criminalité perfide.

De la pochette qu’il tient dans sa main, il sort des feuilles.

Le Bazooka, Le Poison et le Boucher sont les terroristes en question. Prenez donc ça, champions.

Une affiche de recherche à récompenses passe de main en main parmi les clients du saloon. L’inquiétude de chacun se lit à travers les regards échangés. Une seule personne reste stoïque. Une mystérieuse silhouette assise à une table isolée.

UN CLIENT : Ô toi, là bas ! Montre ta face ou sinon je dégaze. Tu vas voir de près à quoi ressemble un pistolet.

UN CLIENT : Pourquoi se cacher si on n’est pas coupable ? Dans le noir nichent les monstres, et la lumière les montre. Qui es-tu ? Parle, étranger !

L’ÉCRIVAIN : Je suis celui qui, de sa plume, illumine les histoires du soir. Dans le temps où d’autres sont occupés à boire.

UN CLIENT (plissant les yeux) : C’est… toi… l’Ecrivain ? Celui qui, dans l’obscurité, dépeint le portrait de tous les meurtriers ?

UN CLIENT (d’un ton empressé) : Les avez-vous vus, dans la forêt obscure ? Ce soir là, quelle aventure !

L’ÉCRIVAIN : J’ai tout vu de cette nuit-là. Mes yeux sont, de nouveau, témoins de l’horreur qui a surgi à quelques pas de moi.

SHÉRIF DAVIS : Votre gorge est peut-être obstruée, mais désormais faut parler, à croire que vous êtes Britney.

L’ÉCRIVAIN : Ambiance sombre et glaciale, la nuit comme décor dévore l’isolement d’une maison de campagne en forêt. Les hors-la-loi sont sur place, prêts à mettre sur scène ce théâtre de massacre.

UN CLIENT : Ma-ma-massacre ?

SHÉRIF DAVIS : La rapidité est la meilleure de nos alliées. Les Martiens sont là, l’Écrivain sait ce qui a été fait. Nous nous devons de l’écouter.

L’ÉCRIVAIN : Des fiançailles, des convives, une jeune femme et son prince. Témoins de la scène : le prêtre et sa foi intense. Il contemple, impuissant, les yeux embués, le destin qui vient de se sceller. Entre ses deux phares, un trou béant.

Le suspense plane dans l’air. Les hommes se réunissent un à un autour de l’Écrivain, disposés à prêter l’oreille à ce qui s’est passé.

L’ÉCRIVAIN : Leur plus gros casse, un vol de bijoux qui s’est transformé en tuerie. La brutalité et la terreur sont les protagonistes principaux dans cet amas d’innocents. Dans l’ombre qui me sert de cachette, je les vois passer à l’acte. Les assaillants, sans pitié, volent ce qui se trouve dans le chalet, tout en surveillant de près chaque invité. Dans le jardin, les proches des fiancés commèrent, présentent bébé, dansent, boivent, rient aux éclats. Ils s’aiment et viennent célébrer l’amour qui unit cet homme et cette femme. Cette mélodie amoureuse est prête à être montée sur la piste musicale de leur vie commune.

UN CLIENT : Des enfants, il y avait des enfants, mon dieu. Pourquoi faire ça ? Dans quel but ?

SHÉRIF DAVIS : Leur seule quête est de s’enrichir. Le prix du sang, à côté, lui, n’a pas d’égal à leurs yeux. Je suis sûr qu’ils doivent déjà avoir un nouveau plan en tête.

L’ÉCRIVAIN : Leurs visages après le massacre ne trahissent aucun remords. C’est ce qui rend la chose encore plus gore. Je les entends hurler en quittant le lieu du crime : « LE VIRUS EST A NOUS, LA TEAM ! » Une atmosphère lourde, pleine de mystères, laisse des questions sans réponse dans cette nuit amère.

SHÉRIF DAVIS : LE VIRUUUS ! Il faut s’empresser de les retrouver, s’ils mettent le pied dessus on est fichus.

UN CLIENT : La main, Shérif, la main.

SHÉRIF DAVIS : Elle est propre. Puis on a des choses plus importantes que la propreté de mes mains à se soucier. Nous devons les arrêter avant qu’ils ne trouvent ce virus. Pas de ruelle !

UN CLIENT : Quartier, Shérif, quartier.

SHÉRIF DAVIS : Je n’en ai rien à faire, de Cartier ! Il peut bien continuer à boire comme un trou, finir à s’écrouler en plein saloon, ce n’est pas là le souci du jour. Concentrez-vous ! On a besoin de tout le monde sur le coup !

L’Écrivain laisse un regard s’échapper vers le ciel, ses yeux s’arrondissent de surprise. Il se lève.

L’ÉCRIVAIN : A la périphérie de la cité, entre cendrillons et yaupons négligés, se trouve un laboratoire abandonné. Les oiseaux dans le ciel désertent les lieux, fuyant les malotrus qui en ont fait leur abri.

SHÉRIF DAVIS : Suivons l’Écrivain. Rendons-nous au laboratoire et trouvons ce virus. C’est notre seule chance de repousser les Martiens.

Tous ensemble, transpirant d’appréhension, acquiescent. Ils s’arment pour affronter l’horreur.

Une rue déserte, baignée dans une lumière sinistre. Les bâtiments autour du laboratoire semblent tous abandonnés, toutes les fenêtres sont barricadées et le silence règne en maître. Le Shérif Davis, l’Ecrivain et les clients avancent prudemment vers la porte négligée, tout en scrutant les environs.

L’ÉCRIVAIN (il s’arrête soudainement) : J’ai entendu des bruits de pas qui venaient de l’intérieur.

SHÉRIF DAVIS (empoignant son arme tout en pénétrant dans le bâtiment, il murmure) : Préparez-vous, mais ne tirez en aucun cas.

UN CLIENT (tout en chuchotant, il lève son doigt.) : Regardez à travers le hublot, ils sont dans cette pièce !

Une tension s’installe alors que le Shérif Davis et ses amis entrent pour affronter les Martiens. Les deux groupes se font face, prêts à en découdre pour obtenir le virus mortel.

SHÉRIF DAVIS : Le Bazooka, toi et ton équipe vous êtes finis. Nous ne vous laisserons pas mettre la main sur ce virus.

LE BAZOOKA : Tu ne peux rien faire, Charly, ce virus on l’a et on va le laisser s’échapper dans le monde entier.

L’ÉCRIVAIN : Vous n’avez pas peur pour vos vies ?

LE POISON (avec un rire satanique) : Nous n’avons pas peur de vous, écrivain. Vous n’allez rien faire, comme à votre habitude.

LE BOUCHER : Allez, Bazooka et Poison, ne perdons pas de temps avec ces vermines. Allons jeter sur le monde une pandémie.

Dans l’empressement de leurs pas vers la fin du monde, les hors-la-loi oublient les armes du Shérif. Trois PAN résonnent dans l’écho du labo. Trois BOUM résonnent sur le sol.

L’ÉCRIVAIN : Dans le dernier souffle de cette triste épopée, la plume gravera leur destinée. Le bras gauche de la loi a mis fin à leur errance, offrant aux innocents leur rédemption, scellant ainsi le destin de cette sombre narration.

Lux