En ce jour immaculé et glacial,
L’homme s’en fut à la place du Foirail,
L’esprit embrumé, le teint cireux, les doigts figés.
Désormais inaccoutumé aux pavés sous ses chaussures,
Quitter sa maisonnette était une aventure.
Il pesta contre les aiguilles impitoyables du froid,
Les voyant pénétrer son enveloppe de cuir avec effroi.
La brocante grouillait déjà de ses ombres agglutinées,
De leurs visages pâles encapuchonnés en quête de raretés.
Son regard vitreux tomba sur lui aussitôt,
Cet étrange objet qui le délivrerait de sa souffrance bientôt.
Les yeux de la marchande miroitèrent
À la vue d’un être si couvert
Qui se rapprochait, frissonnant.
La neige accumulée dans ses longs cheveux grisonnants
Sembla fondre, perlant sur les piécettes qui inondaient sa main.
La marchande fredonna, et l’homme se retira sur le chemin,
Traînant dans son sillage le mystérieux meuble. Mi-fauteuil,
Mi-radiateur, il le tira jusque devant son seuil,
Figé par les flocons, puis l’installa dans son salon,
Devant sa fenêtre aux volets calfeutrés, telle une prison.
Sans perdre de temps, il le relia à sa chaudière,
Créant son libérateur, le lieu de toutes ses prières.
Cette naissante source de chaleur le sauverait,
Serait la chaude lumière dont il ne cessait de rêver,
Le sauverait de ce froid qu’il ne supportait pas,
Et quand il s’assit enfin, il sut déjà
Qu’il ne parlerait plus de l’hiver qu’au passé.
Seulement, il se retrouva comme prisonnier
De cet inhabituel effet de chaleur brûlante.
Le temps passa, et la fournaise persista, vivante.
Enivré de cette brûlure qu’il avait tant convoitée,
L’homme, englouti, en bonhomme de cire s’était changé.
Ainsi faut-il retenir de cet homme ayant fondu,
Que qui s’obsède sans retenue, à la fin se voit vaincu.
Camille