Bonne heure

Chaque jour, je me réveille, à la même heure. J’ai l’impression que cette vie de malheur se répète. Ah mince, je vais être en retard, vite ma tartine de beurre ! Je suis toujours ailleurs, un peu trop rêveuse. Je devrais me dépêcher, le professeur de littérature en a marre de mes retards incessants.

Chaque jour, à la même heure, je rejoins mes potes. Comme des gamins, on se partage toujours des compotes à la pomme, ou bien à la fraise. Nolan est toujours en train de vapoter, regardant les oiseaux danser dans le ciel. Anna est toujours en train de chipoter à propos de ses films préférés.

À la même heure, je reste seule, chaque jour. Un brin d’ennui virevolte dans mes pensées, brin que j’essaie de repousser. Je me mets à rêver de voyages et de séjours, allant de Singapour à un mirage. Toujours ce même discours qui tourne dans ma tête : arrête de rêver, réalise ce que tu désires.

L’heure tourne, j’entends les secondes passer. Un tic-tac rythme un peu tout dans ma vie, que ce soit mes pas ou mes foulées. Ce tic-tac résonne dans ma tête, alors que je raisonne : aller me faire un ciné avec Astrée, ou rejoindre les bras de Selma ma bien-aimée, ou peut-être bien Morphée ?

J’entends les minutes passer, l’heure tourne. Mon attention se détourne de toutes les futilités de la réalité. En un clin d’œil, je retourne dans le lieu de tous mes songes, mon propre monde, celui que je m’imagine. Je contourne toutes mes obligations et responsabilités ; ça peut bien attendre plus tard.

Parfois, le temps m’angoisse. Mes émotions se froissent sur un papier, alors que je peux apercevoir l’encre de ma souffrance, l’ancre de ma délivrance. Des médisances arrivant à mes oreilles, j’essaie d’étouffer ma poisse. Et je défroisse finalement le papier, faisant face au chancre du spleen.

Souvent, le temps me stresse. Je cogite en anglais, je me sens helpless, tout ce qui est less, je ne suis peut-être pas heureuse mais toujours gay. J’aimerais me sentir toujours full, entourée de la foule, acclamée pour la prouesse d’être toujours en vie. Je veux l’ivresse de la vie, la vivacité de la hopefulness.

Et chaque nuit, je me couche, à la même heure. Malgré ce quotidien de malheur, je continue à espérer. Le beurre a toujours le même goût, mais c’est ce qui fait son charme. J’arrête de ruminer dans les coins sombres de mon esprit, je suis ailleurs au soleil. Pourquoi me dépêcher, je suis à la bonne heure pour le bonheur.

Aéri