Gardiennes

Déesses de la créativité, elles sont honorées pour leur énigmatique ingéniosité. Ouvrières aux doigts fins maniant la plus douce des étoffes, leurs créations de soie sont un joyau fragile, dessin d’une vie dédiée à leur art si singulier. Symboles de la patience et de la destinée, elles sont le pilier de l’éternel et de l’accompli. Elles font planer une ombre de sagesse au-dessus de nos pensées, veillant discrètement sur nous tout en reliant les toiles des années, semblables à un toit protecteur de nos souvenirs.

Témoin de nos existences et de tous nos mouvements hâtifs, leur immobilité leur donne une présence étrangement mystique, aisée à accepter, formant la soyeuse coexistence d’êtres étrangers. Si elles venaient à sortir de leur silence et soupiraient leur clairvoyance, on assisterait à l’écoulement de révélations tissées minutieusement au fil des ans. Des décennies d’histoire emmagasinées dans leurs sculptures de dentelle.

Persécutées et décimées. Les détester est un acte enseigné. La crainte qu’elles inspirent n’est pas instinctive : un simple murmure cultivant leur dangerosité, et une graine de haine est distribuée.

Vénérées et admirées. Leurs monuments sont des temples qu’il nous est donné de contempler, œuvres prophétiques d’apaisement. Elles possèdent une beauté éthérée que l’on discerne devant l’horizon de leur diversité.

Leur rencontre entraîne le chagrin et le souci des uns, l’espoir des autres.

Les araignées sont les gardiennes de notre temps.

Laissons-les faire le leur.

Camille