Les journalistes accouraient, prenaient des photos de la scène. Sword, elle, présentait son meilleur profil tandis que les policiers coffraient Daissoujou. L’ancien moine avait utilisé ses pouvoirs télékinésiques pour se faire une place en tant que baron du crime. Il proférait des menaces de vengeance envers la jeune femme qui l’ignorait. Pour l’instant, il fallait sourire pour les caméras.
– Sword ! Sword ! Vous êtes de plus en plus populaire dans les sondages, beaucoup d’adolescentes vous prennent comme modèle au vu de votre jeune âge. Comment faites-vous pour concilier votre vie personnelle et votre activité de super-héroïne professionnelle ? demanda un journaliste.
– Oh, vous savez, c’est une question d’équilibre. L’important est de savoir ne pas trop dépasser ses limites, de prendre du repos quand on en a besoin. Après, pour être totalement honnête, je compte beaucoup sur mon manager pour gérer mon emploi du temps, répondit-elle.
– Sword ! Qu’avez-vous ressenti au moment où vous vous êtes jetée sur ce rocher et l’avez coupé en deux pour qu’il n’écrase pas ce bus scolaire ? questionna une autre.
– Je n’ai pas pensé à ce moment-là, j’ai juste écouté mon cœur, avoua Sword.
D’autres journalistes s’empressèrent de poser leurs questions, mais la montre de la jeune femme se mit à bipper, indiquant un ordre de retour au quartier général. Elle transforma alors ses avant-bras en lames comme le lui permettait son super-pouvoir, et prit sa pose iconique avant de sauter sur sa moto, de rendre à ses bras leur apparence normale, puis de quitter cette affaire rondement menée.
Elle slalomait entre les voitures pour rentrer au QG, jouissant du droit particulier que lui assurait son statut de super-héroïne : dépasser par la droite. Une fois rentrée, elle passa par l’entrée réservée aux véhicules des super-héros et gara sa moto sur son emplacement dédié, avant de se diriger vers le grand hall. Celui-ci était bondé de nombreux super-héros. Certains qui, comme elle, rentraient après avoir fait leurs heures pour rédiger leur rapport, d’autres qui recevaient leurs affectations de la soirée avant de partir au travail. Sword prit les papiers à remplir avant de se diriger vers l’ascenseur pour monter à son appartement. Une fois arrivée, Sword retira son masque, redevenant Sam, avant de se munir d’un stylo et de s’allonger sur son lit pour rédiger son rapport tranquillement. Soudain, Julien entra sans frapper.
– Non mais, t’as vu ce que les gens disent sur les réseaux ? Ton affrontement avec Daissoujou était génial ! Déjà que t’étais populaire, mais là, les sondages crèvent le plafond dans la catégorie des super-héros mineurs ! s’exclama le manager.
– Trop cool, souffla l’adolescente, finissant de remplir son rapport.
– Du coup, je t’ai accepté une interview en direct à la dernière minute ce soir pour parler de ton combat de tout à l’heure. Je t’expliquerai le plan sur le trajet. On se retrouve devant mon bureau dans 45 minutes, sois en costume et fais-toi belle pour les caméras.
À ces mots, le responsable de la carrière de Sam quitta l’appartement, probablement pour aller passer des coups de fil à des sponsors ou autres menues activités liées à son travail. Sa protégée redescendit alors au premier étage pour déposer son rapport avant de remonter faire un tour dans la salle de bain, il lui fallait se doucher, se remaquiller, recoiffer des cheveux malmenés par cette dure journée. Pendant l’opération, elle se demandait quel genre de question on pourrait bien lui poser ce soir. Cependant, la super-héroïne n’était pas dupe. Elle se doutait que son manager était en train de concocter un plan où elle devrait parler de son passé. Ce serait un moyen d’attirer de la sympathie en plein milieu de sa montée de popularité, cela consoliderait l’intérêt des fans.
Julien continua de lui justifier son choix pendant tout le trajet. C’était encore pire que ce que Sword aurait pu imaginer, puisque toute l’interview était déjà prévue à l’avance. Elle ne savait pas si elle devait être impressionnée ou terrifiée par la vitesse à laquelle les journalistes et son responsable légal avaient planifié un scénario complet. Une fois en coulisse, on la briefa rapidement. Se tenir bien droite, parler clairement, et surtout, si les larmes venaient sur la fin de l’interview, là où la grande révélation sur son passé mystérieux était prévue, il ne fallait surtout pas les retenir, ça boosterait l’audimat. Après un dernier mot d’encouragement de la part de Julien, on la laissa seule quelques minutes, le temps pour le journaliste d’exposer le contexte aux spectateurs.
Sword repensa alors au plan. Pour elle, être une super-héroïne était un moyen de fuir son identité. Elle ne voulait pas être la petite fille de trois ans retrouvée enchaînée dans la cave de ses parents lors d’une fouille après l’arrestation de son père pour trafic de drogue. Mais bon, elle n’avait pas le choix. Le marché super-héroïque était ainsi fait que tout était bon à révéler pour gagner de la popularité et des sponsors. On vint alors la chercher pendant qu’on diffusait un reportage sur le lieu de la confrontation. La super-héroïne s’installa dans un fauteuil en face du journaliste.
– OK, Sword, un petit sourire pour la caméra, on passe en direct dans trois, deux, un…
Soram