Elle se dit que personne ne voulait mourir dans une épicerie, entre les réfrigérateurs vrombissants, les patates et les bouquets de fleurs bon marché, sous les regards pressés de clients-fantômes, leurs bras chargés de jolis emballages plastiques colorés, et leurs pas trop grands pour l’espace disponible. Ils se bousculent, s’excusent, attrapent une dernière gourmandise à la caisse pour se donner le sourire. Le paquet de pastilles arôme fruit de la passion rejoint le ticket de carte bleue, la liste de courses et les clefs de la voiture.
L’été, il y fait trop chaud, le soleil tape sur la devanture vitrée. Derrière le comptoir, les jambes de sa salopette retroussées aussi haut que possible, à penser que la chaleur doit être plus supportable face à un ordinateur, dans un open space climatisé.
L’hiver, il y fait trop froid. Les vitres glacées, la porte jamais vraiment fermée. Ses mains tremblantes recroquevillées dans son pull, ses pouces en perforant peu à peu les manches. Les visages qui se succèdent devant le TPE, couverts par des écharpes sombres, des masques jetables ou les cols relevés des manteaux.
Parti fumer, son père a délaissé un magazine sur la caisse de cucurbitacées qu’il était en train de trier. Les pages plastifiées luisent sous la lumière tremblotante des néons. Entre les potirons couverts de mousse verte et ceux encore épargnés, un couple rit, se partageant quelques blagues à bord d’un canoë vert. Autour d’eux, les gorges du Tarn s’étendent à perte de vue. La scène bucolique détonne avec l’odeur de renfermé de l’arrière-boutique.
Ses vacances se résument à emprunter l’étroit escalier qui mène à l’étage, au-dessus du commerce. Un vieux fauteuil, avec pour parure un drap fleuri lavé la veille, tiré sous la fenêtre. La paille du rembourrage qui se fraie un passage entre les bouquets d’hortensias. Un cahier de mots croisés sur les genoux et une tartine de vacherin entamée en équilibre précaire sur l’un des accoudoirs.
« Olibrius en 10 », marmonna-t-elle en mastiquant. Un regard coupable vers la page des solutions, avant d’inscrire « FOUTRIQUET » dans la grille encore presque vide. Une abeille se pose sur la gomme du crayon avant de repartir par la fenêtre entrebâillée.
Maëlys