Mon réveil sonnait. J’étendis mon bras engourdi vers mon téléphone, pour l’éteindre. Je ne voulais pas me lever. Pas maintenant. Je n’avais pas la tête à ça. Avoir trois alarmes séparées de 15 minutes était très pratique, puisque cela me permettait de prendre le temps dont j’avais besoin pour trouver la force de quitter mon lit. J’étais trop confortablement allongée, ma peluche de requin entre mes bras. Mon deuxième réveil sonna. Je pris alors la décision de me lever pour me changer les idées. Comme chaque matin, je devais aller prendre ma douche…
J’étais nue et j’ouvris le robinet, eau brûlante, comme toujours. Peu importe où je regardais, je voyais mon corps. Derrière moi, il y avait des plaques de carrelage, dans lesquelles se discernait une masse difforme. À ma droite, c’était la pomme de douche et le robinet, dont le chrome déformait une silhouette disgracieuse. En face et à droite se trouvait une vitre, me permettant de me contempler dans toute ma monstruosité. Ma mâchoire et une partie de ma gorge, recouvertes de cet attribut dégoûtant que l’on appelle ‘‘pilosité’’, envahissant aussi mes jambes et une partie de mon ventre. Mais le pire, et de loin, c’était cette poitrine. Fatalement, horriblement, tristement, banalement plate. Je me risquais à passer la main dessus. Tenter d’épprouver cette fameuse douleur annonciatrice du développement mammaire qui tardait tant. Tout ce je ressentis fut un mal-être. Vint ensuite le moment de passer le gel douche, et donc, de souiller mes mains, déjà impures par leur taille, de cette chair profane qui était mienne. Le corps allait à peu près. Mais ce fut rapidement le tour des parties génitales. J’ai dit que je le pire était ma poitrine, je le retire. Rien au monde ne peut être aussi horrible que de prendre soin d’un organe aussi monstrueusement répugnant. Alors qu’il était entre mes doigts, l’envie me prit de le tirer. Le tirer de toutes mes forces. L’arracher de là et enfin me libérer de cette malédiction affublée avant même la naissance. Si seulement les choses étaient aussi simples. Si seulement je n’étais pas née dans cette prison de chair…
Je pris une serviette pour m’essuyer alors que je sortais de la douche. Une fois sèche, je fis un tucking improvisé. N’ayant pas de serviette hygiénique pour la faire tenir, un slip serré ferait l’affaire. Le tout tiendrait une heure à tout casser, mais bon, c’était mieux que rien. J’enfilai ensuite ma brassière, un bien pauvre substitut à une vraie poitrine. Un petit coup de déo, puis je pris les premiers vêtements qui pendaient sur mon étente à linge. Maintenant habillée, je quittai ma salle de bain pour aller prendre un petit déjeuner. Je voulais retarder le plus possible le moment de me faire face dans le miroir. Je fus accueillie par mon troisième réveil. Une fois éteint, et comme d’habitude, j’allumai Youtube pour avoir quelque chose en fond, pendant que je me préparais mon chocolat chaud, avant de m’assoir sur mon lit.
Telle était ma routine matinale.
Soram