On croise tant d’étudiants que l’on en vient à les concevoir comme une masse, un groupe, une queue devant le RU, des cheveux qui nous empêchent de voir le tableau. Lassé, fatigué de la journée, on accepte l’invitation de ses amis pour aller à la scène ouverte, sans trop en avoir envie.
Franchement, je passe trop de temps à l’université pour souhaiter y rester plus longtemps. J’entre par la petite porte en dépassant les fumeurs qui stationnent devant, la lumière contraste avec le couchant du soleil. Mon visage est impassible, mais au fond je me pose beaucoup de questions : et s’il n’y a que trois personnes qui passent ? Et si rien ne me plaît ? Comment réagir face à un bide ? Presque plus anxieuse que ceux qui s’apprêtent à monter sur scène, je trouve une place avec mes amis au fond. Directement, un mec super grand s’assoit devant moi et se retourne en me demandant : « J’te dérange pas ? »
« Non non, t’inquiète », je réponds du tac au tac, erreur que je vais regretter jusqu’à 20h14.
L’ambiance est légère, tout le monde rigole et discute joyeusement. La salle est pas mal remplie, ce qui me surprend. La scène est grande, des spots sont dirigés vers un épais rideau noir qui se trouve dans le fond ainsi que sur des instruments posés sur le parquet.
C’est alors que les lumières s’éteignent pour laisser place aux flashs colorés des projecteurs. Une jeune femme annonce dans le micro les prénoms des participantes. Les applaudissements mènent la danse et mettent en confiance le premier duo, anxieux et électrisé. L’une des voix s’élève, douce et envoûtante. Pendant qu’elles chantent me vient l’idée de métamorphose. Cette scène magique qui transforme les étudiants, les éveille, les illumine. Comme sortis de nulle part, ils se révèlent sous le feu des projecteurs, nous réchauffent le cœur… puis disparaissent, leurs visages dissociés de leurs voix, on ne fera plus le lien en les croisant un autre jour, et ils ne seront pas là pour nous le rappeler. On les croise, transformés, le sac à dos sur l’épaule, sans voir la flamme qui brûle en eux.
Les groupes s’enchaînent, les applaudissements éclatent, à chaque fois plus forts, les voix du public acclament. Je m’étonne de ces spectateurs si bienveillants, qui encouragent lors des erreurs, des voix qui vacillent, des doigts qui ratent une corde. C’est ces petites coquilles qui rapprochent encore plus le musicien du public.
En sortant du foyer, je pense alors aux étudiants qui ont du talent mais qui n’osent pas franchir le pas, peut-être même à qui l’idée n’a jamais traversé l’esprit. Au final, c’est entrer dans le rond de lumière pour ensuite disparaître dans l’obscurité… comme nous le faisons avec ce blog : mettre le projecteur sur des choses qui paraissent uniques à nos yeux, et banales pour ceux de quelqu’un d’autre.
Eléa