Pile ou face

Pile.

Coincé entre quatre murs, je regarde le tableau blanc qui me fait face noircir petit à petit, les dates et les noms d’auteur changeant petit à petit pour se faire tarifs. Mes doigts serrés sur un stylo, j’écris à toute vitesse mon travail sur une feuille, la faisant addition sur les tables de classe devenues bar. C’est un de ces jours où mes pensées se font riff de guitare, où la cadence effrénée d’une batterie rythme mes mouvements, mes paroles et mes pas. Autour de moi, chaque étudiant devient un client de plus, ajoutant sa touche à la note, remplissant le bistrot, fondant ses mots en une cacophonie avec bien trop de queues et de têtes, oubliant la place qu’il prend, m’étouffant.

Cette facture, c’est moi qui l’écris, mais c’est aussi moi qui la paie, non pas avec de simples billets, mais avec des petits bouts de mon crâne. La journée passe, à la manière d’un verre renversé sur le comptoir, et je rentre, épuisé, vidé, essoufflé.

Face.

Assis dans une pièce vide, je me délecte du silence se changeant petit à petit en une mélodie pour mes oreilles. Mes doigts posés sur un crayon, j’écris comme d’autres peignent. Traçant délicatement chaque lettre, chaque morceau d’un puzzle que je crée de toutes pièces, faisant de ma feuille toile sur une table devenue trépied.

C’est un de ces jours où ma tête se fait auditorium, où l’écho d’un piano donne la cadence à mes pensées et la douce éloquence d’une trompette m’invite à la détente désuète. Mes pas sont lents, mes gestes décontractés. Autour de moi, personne pour m’observer, pas un stylo qui tombe, pas une remarque inutile, pas un mot, seulement le bruissement d’un robot solitaire et le tic absent d’une horloge centenaire. Je suis spectateur d’un paysage vu et revu, et pourtant inconnu.

Parfois la fac, ça revient à lancer une pièce.

Pile.

Je suis chez vous mais tiens le coup.

Face.

Je suis chez moi, là où vous n’êtes pas.

Arthur

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