Cœur saignant

Il vaut mieux fermer les yeux, c’est mieux que d’être la cible de son reflet. Surtout quand il se ment. D’un jour à l’autre, tantôt coquelicot ou chardon, bulbe, pavot ou épine. C’est à en oublier les traits de son visage.

Mon masque et mon sourire font avec ma conscience, que les pétales répugnent. Mon cœur serpente le vide. Ah, quand on en vient à envier les mensonges ! car il est tellement plus facile de se croire reptile que rose ou lys.

J’ai mal à mes pensées, cueillies à l’épuisette.

Le corbeau se fane et l’écureuil s’enracine ; et ces fleurs sont des fleurs : beaux objets, belles couleurs – rien de plus.

Mais ma conscience n’est pas une cucurbitacée. Elle est de briques rouges, bancale mais insaisissable.

Mon sourire de sève ocre est le miel qu’on désire, et mon masque cuivre et or est tout aussi facile à décrypter qu’une facture d’électricité.

Quelle interprétation, digne de grands cryptologues, qui croient tenir un cœur de dragon dans leurs mains, quand ce n’est qu’un pamplemousse écrasé et du jus plein leurs doigts !

Sérieux, allez voir à Pétaouchnok si j’y suis.

À la fin, on aura encore la même histoire, celle où le chevalier tue le tyrannosaure. L’homme qui prétend prendre ses ordres du firmament, le monstre outré de n’être le héros admiré, moi qui me plie de plein gré aux lois du guerrier – lequel d’entre nous est le plus ubuesque ?

Je vous laisse miroiter votre si cher libre arbitre. Je préfère largement tirer ma révérence et retourner à mon sandwich qui s’impatiente.

Eli