En attendant la pluie

Vladimir et Estragon attendent sous un arbre en piteux état.

ESTRAGON – Et si on laissait tomber ? (Un temps.) On laisse tomber, hein ?

VLADIMIR – Non, c’est trop tard, on a attendu trop longtemps. (Silence. Il regarde autour de lui.) Tout est mort ici.

ESTRAGON – Même nous ?

Un temps.

VLADIMIR – Attrape mes lacets, enlève-les, ça pourrait marcher.

Estragon tire sur les lacets, ils cassent, Estragon tombe.

ESTRAGON – C’est trop court de toute façon, tu crois pas ?

VLADIMIR – Je crois plus rien. Il reste les tiens, on pourrait… (Silence.)

ESTRAGON – Il me manque une godasse, je te rappelle.

VLADIMIR – On va pas passer la journée à attendre ta godasse, ce serait contre-productif.

Estragon lève la tête.

ESTRAGON – Regarde ce grand soleil, je crois qu’on a pas le choix, il faut attendre.

VLADIMIR – Pas un nuage, les branches de l’arbre se moquent de nous, écoute.

ESTRAGON – Je le croyais mort, l’arbre.

VLADIMIR – Pas tout à fait, écoute.

ESTRAGON – C’est un saule pleureur, pas un moqueur.

VLADIMIR – Mais écoute.

ESTRAGON – J’écoute.

VLADIMIR – Tu entends ?

ESTRAGON – Entendre quoi ?

VLADIMIR – Il se moque de nous.

Silence. Un temps.

ESTRAGON – Avec un peu de chance… (Il se tait.)

VLADIMIR – Des jours que le soleil est là, des semaines.

ESTRAGON – Peut-être que demain…

Silence.

VLADIMIR – Revenons demain.

ESTRAGON – Demain sera le bon demain.

VLADIMIR – Les nuages reviendront.

ESTRAGON – Je n’en ai jamais douté.

VLADIMIR – Attendons qu’il pleuve des cordes pour nous pendre.

ESTRAGON – Oui, revenons demain.

Silence.

VLADIMIR – Alors, on y va ?

ESTRAGON – Allons y.

Ils ne bougent pas.

RIDEAU

Elfi