La fourmilière

Avez-vous vu ? Avez-vous vu toutes les fourmis qui se baladent sans arrêt entre les bâtiments rénovés de l’ancienne caserne d’Albi ? Une véritable population s’est formée dans ces lieux.

Nous nous agitons dans les allées avec un but précis. Celui de réussir. Alternant les allers retours entre les différents bâtiments, les distributeurs de café, la BU, le RU et la cafèt’, nous, les fourmis nous nous entêtons à réaliser notre tâche. Chaque jour en ces lieux, on discute savoirs, connaissances, et potins.

Avez-vous vu ? A la bibliothèque universitaire, les fourmis se battent pour avoir une chaise, un bout de table ou un coin de la salle. Elles se promènent dans les rayons, cherchant des bouquins, un ami ou une place à voler. Il y a différents types de fourmis dans cette fac, les Psycho, les Droit, les Matheux, les Bilingues, les Savants, les Géo et j’en passe. Comment nous reconnaître dans cette dense foule ? Vous verrez souvent les Psycho se diriger vers vous avec un grand sourire pour vous demander de répondre à un énième questionnaire, les Droit traînant derrière eux des kilomètres de lois regroupées dans des livres à la couverture rouge vif, les Matheux et leurs interminables programmes sur leurs écrans d’ordinateur, ou bien encore les Géo plongés dans un océan de cartes. Ici on est moderne, pas de soldats, de nourricières ni d’ouvrières, juste des fourmis étudiantes sous pression se battant pour leur vie au sein de la fourmilière. On cohabite tous sans difficulté. On se serre nos six coudes et on communique à coups d’antennes.

La vie de cette fourmilière dépend de nous, de notre réussite, de nos notes, de nos compétences. Sans notre présence, elle s’effondrerait.

Mais,

Au moindre défaut, on s’écrase.

A la moindre mauvaise note, on doit retourner faire nos preuves, mettant notre avenir en jeu dans cette gigantesque colocation.

Notre vie dépend de nous, mais aussi des autres. Une fourmilière ne compte jamais une seule fourmi, elles sont parfois des milliers à bâtir un empire. Nous aussi. Nous faisons la fierté, ou non, de nos professeurs, des responsables de licence ou de la reine directrice. Malgré tout, nous sommes protégées des intempéries par la structure de cette fourmilière, si imposante, si belle, si chaleureuse. Nous sommes tenues au chaud et plus ou moins bien nourries. Alors on se bat, on se bat pour elle et sa renommée. Un jour, on sera remplacées, mais on aura laissé notre trace.

La pression sur nos frêles carapaces est constante et parfois très lourde, mais n’oubliez pas, mes chères congénères, les fourmis peuvent porter jusqu’à soixante fois leur poids.

Bonne chance pour cette rude année, et puisse le sort nous être favorable.

Lisa

2 commentaires

    1. La métaphore de la fourmilière est ici un peu déconstruite, pour aboutir a un récit humain. Le début m’a beaucoup plu car il me fait penser au « real maravilloso » soit au réalisme magique des auteurs latino-américains comme Silvano Ocampo ( méconnue et que je recommande), comme Cortázar, Juan Rulfo, Bioy Casares, Carlos Fuentes et bien sûr le grand Gabo. Les comparaisons avec les insectes sont partout en Amérique du sud. Les araignées, les fourmis etc. Et votre début fantastique aurait mérité d’être continué sans donner l’identité des fourmis, évidente. Voir leur progression, leurs reculs, leur souffrance. Je ne suis pas vraiment fan de votre phrase de fin qui dénature votre récit. Les fourmis ne savent pas ce qu’est la chance, elles taffent et nous survivront. Vous avez du talent, ne cédez pas à la candeur de la gentillesse. La fiction doit être plus dure… plus cruelle. Moins dans le pathos. Ce n’est que mon humble avis.

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