Hiver à Albi

15 décembre, 19h27, objectif : marché de Noël.

Je marche à pas rapides, mains dans les poches, casque sur les oreilles. Mojave Ghost de Dinos rythme mes pas. Je slalome entre les passants encapuchonnés, le nez dans leur écharpe, expirant des volutes de vapeur. La lumière émise par les décorations de Noël illumine les visages des inconnus à mesure que je m’approche du point de rendez-vous fixé par mes amis. Portée par un sentiment d’apaisement, alors que la nuit est déjà tombée sur ma ville d’adoption, je ralentis et atteins la place du Vigan où m’attendent Dorine et Elie. Deux bises plus tard, nous nous mettons à déambuler dans les rues dans le but de nous raconter n’importe quoi d’autre que ces derniers jours de partiel éprouvants, en respirant l’air frais de l’hiver. Je m’émerveille sous la canopée urbaine transformée en constellation dorée, oubliant presque le contenu de mon sac.

Avant de partir, alors que j’allais tourner la clé dans la serrure, manteau sur le dos, un éclair me traversa l’esprit. Merde, le livre ! En période de fêtes, je m’étais dit, quoi de mieux que laisser un bouquin en ville ? Comme ça, c’est cadeau ! Une occasion en or pour poursuivre l’Adieu au papier. Cependant, plongée dans les discussions avec mes amis et happée par la beauté des illuminations, j’oublie totalement la présence du précieux recueil dans mon vieux Longchamp.

Toujours le 15 décembre, 21h43.

Merde, le livre ! C’est au beau milieu d’une énième conversation qu’un deuxième éclair salvateur fait interruption. Je dégaine le bouquin de mon sac et le montre à mes amis, incrédules. Je dois le déposer quelque part, n’importe où ! Ni une, ni deux, je m’éclipse en trottinant vers le marché de Noël, abandonnant les deux autres sur le trottoir en face de Chez Carole, d’où nous venions de sortir, un hamburger dans le ventre et moins vingt euros sur nos comptes.

Je cherche alors un endroit discret, faut pas trop qu’il y ait de monde. Mais à l’abri, imagine s’il pleut ! Puis faut que quelqu’un le trouve. Une mamie gâteau, un voyageur lointain, un supporter du SCA, une pimbêche inscrite à Lapérouse, n’importe qui ! Je réfléchis, et fais demi-tour. Le voilà, l’endroit parfait. Décoré en conséquence, j’aperçois un sapin dont les boules de Noël sont resplendissantes. Il faut au moins ça, pour pouvoir couronner cet acte dévoué d’abandon littéraire. Coup d’œil circulaire : personne ne fait attention à moi. C’est une guirlande clignotante rouge et dorée, ainsi qu’une table vert pomme, qui souligne désormais les contours de la quinzième publication de l’atelier d’écriture de Champollion. Je souris et chuchote alors : « 18 260 jours, et des poussières renaîtra de ses cendres. »

Lenael

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