Le roi d’Arendelle

Mon étagère n’est pas vide, mais l’estomac de mon lapin l’est. Il a faim. C’est un gourmand, il profite de la vie et savoure tous les délicieux repas que je lui prépare, et même ceux que je ne lui prépare pas.

Alors que je travaille d’arrache-pied sur mes cours de neuro, le silence laisse place à un bruit, le bruit d’un objet qui glisse et tombe sur le sol. J’entends des petits pas, comme si quelqu’un marchait sur de la soie, et puis de grands coups de dents. Bon, peut-être que j’abuse un peu, mais lorsque je croise le regard de ce rongeur, il comprend très bien sa bêtise, mais ne s’arrête pas pour autant… A ses pieds, repose le corps sans vie du malheureux Décombres algébriques & fifres romains. C’est sûr qu’en matière de décombres, on n’est pas mal, là.

Je me lève avec hâte et tente de reprendre ce qui m’appartient, mais j’oublie une chose : cette bestiole s’est approprié mon appartement et pense que tout lui revient de droit. Un véritable garnement. Je m’énerve :

Oh mon grand, ça va pas se passer comme ça !

Lâche ça immédiatement !

Attention, je vais m’énerver !

Fâche-toi si tu veux, je m’en fous, c’est mon livre !

Dans son ventre, les mots et les lettres doivent se mélanger et donner de nouvelles histoires sans queue ni tête. Il avale tout sur son passage, les formules mathématiques, les jours, les heures, les dates, les émissions, les numéros d’appartement. Tout. Mes avertissements n’arrangent rien, il est têtu comme une mule – non, comme un lapin. Il dévore, il dévore, ses poils vont finir par se transformer en mots et ses griffes seront maculées d’encre noire. Peut-être que demain, dans sa cabane, je trouverai des best-sellers, et il deviendra un auteur à succès.

Il ne s’arrête pas, je dois lui arracher le livre des pattes, mais le mal est déjà fait. Plutôt fier et satisfait de son nouveau jouet, il s’approche de moi et lèche affectueusement ma main, signe de sa joie. Mon lapin herbivore s’est transformé en un sacré bibliophage.

Malgré ses nombreuses bêtises, il m’est d’un grand réconfort, toujours là pour moi, même pour manger le reste de tapisserie brûlée de ma chambre. Il est blanc comme la neige, mais également con comme la lune. Il lui a fallu plusieurs mois pour comprendre qu’une plante artificielle ne pouvait pas se manger, alors imaginez, un livre… Je l’aime tout de même. Son petit museau qui frémit et sa tête minuscule me font craquer à chaque fois, et je lui pardonne tout.

Après tout, personne ne m’a dit qu’on devait forcément donner le livre à un humain. Au moins, je nourris et cultive mon lapin – les deux à la fois.

PS : Toutes mes excuses à Emma, Marine, Elie, Solène, Maëva, Théo, Aline, Amandine, Juliette, Oriane, Manon, Batiste, Alicia, Sarah, Mathilde, Julie.

Lisa

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