Inglorious bastard

Le seul bruit qu’il pouvait entendre était celui de gouttes d’eau s’écrasant au sol.

Plip… plip… plip…

Depuis son réveil, il n’entendait que cela.

Plip… plip… plip…

Ses yeux étaient bandés et il était attaché à ce qui semblait être une chaise. Ses pieds et ses poings étaient liés, et il pouvait sentir la brûlure de la corde frottant contre sa peau.

Plip… plip… plip… tap… tap… tap…

Il redressa vivement la tête, le cœur battant la chamade, et s’agita vainement : impossible pour lui de voir ce qui l’entourait, avec ce morceau de tissu sur les yeux.

Plip… tap… plip… plip… tap… tap…

C’étaient des pas. Ils se rapprochaient de lui, et il ne savait pas comment réagir. Était-ce un sauveur inespéré ? Ou au contraire le lunatique qui l’avait enlevé ?

Tap… tap… plip… tack.

Les pas s’arrêtèrent devant lui. Il avait envie de vomir. Il avait l’impression que son cœur allait exploser à cause de la peur. Il tentait tant bien que mal de contrôler sa respiration pour paraître le plus calme possible face à l’inconnu, mais il avait conscience qu’il n’était pas vraiment convaincant. La sueur perlait sur son front et imbibait désagréablement le bandeau qui lui obstruait la vue.

Plip… plip… plip…

Les secondes paraissaient durer des heures. Son crâne le faisait souffrir, comme s’il était sur le point de se fendre en deux.

« Tu dois te demander pourquoi tu es ici, jeune homme, n’est-ce pas ? »

La voix était grave, dure. Menaçante, avec une pointe de mépris. Il n’osait pas bouger. Il était désormais sûr que l’homme à quelques mètres de lui était la raison pour laquelle il se trouvait dans cet endroit.

Plip… plip… plip…

Les sons résonnaient dans la pièce. Il s’en était rapidement rendu compte grâce aux gouttes d’eau. Peut-être était-il dans un sous-sol ? Dans ce cas-là, ce serait d’autant plus difficile de le retrouver : il pouvait être n’importe où, et personne ne l’entendrait s’il venait à hurler. Soudain, l’homme lui saisit l’épaule d’un mouvement brusque. Il étouffa un glapissement de douleur, ce qui fit ricaner son geôlier.

« Ne t’en fais pas. Tu peux crier aussi fort que tu veux. Personne ne viendra nous interrompre. »

Plip… plip… plip…

« Je disais donc… la raison pour laquelle tu es là… Eh bien, souviens-toi le mois de février… »

Que voulait-il dire par-là ? Que s’était-il passé en février ? Il ne se souvenait pas d’un événement particulier qui aurait pu déclencher cette folie.

« On dirait que ton cerveau ne veut pas faire les connections, mon garçon. »

L’homme avait resserré sa prise sur son épaule, et la douleur fusa sans ménagement. Des fourmillements couraient le long de son bras, qui était en train de s’engourdir.

« Je vais t’aider alors. Tu te souviens de ce jour où tes copains et toi êtes venus sur le campus prôner l’idéologie répugnante du moustachu vociférant ? Eh bien, sache que depuis, je vous ai observés. Tous. J’ai appris vos habitudes, votre emploi du temps, vos loisirs, vos faiblesses, dans le seul but de pouvoir… m’entretenir avec vous, comme je le fais actuellement. Je te prie de m’excuser, tu es seul pour l’instant, mais je t’assure que tu auras bientôt de la compagnie. Vous aurez plein de choses à vous raconter, ne crois-tu pas ? »

Son sang se glaça. C’était donc pour ça.

« Tu sais, j’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir. Cela fait des années que je suis là, tapi dans l’ombre, à attendre que l’un d’entre vous se montre. Je dois donc vous remercier : grâce à vous, ces décennies à me cacher dans les galeries souterraines ne seront pas vaines. »

Il déglutit avec difficulté. Qu’est-ce que ce taré avait en tête ?

« Retiens bien mon nom, mon garçon, car c’est le dernier que tu entendras. »

Un craquement sec résonna, et il poussa un cri de douleur. L’homme venait de lui déboîter l’épaule, il en était sûr.

« Mon nom, mais peut-être l’as-tu déjà entendu, le voici : je suis Jean Sang-Froid, et aujourd’hui, j’arrête de me cacher. Je ne suis plus le Saboteur. Aujourd’hui, je deviens le Chasseur. »

Plip… plip… plip…

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