Indigestion fatale

Les couloirs sont blancs, certains poteaux sont orange. Le sol est grisâtre, glissant, il passe fluidement sous mes semelles usées lorsque je balance mes pieds.

Assise sur la chaise, j’attends. Je regarde, de droite à gauche. Des cadres sont accrochés, mais c’est moche. Les plans du bâtiment sont presque plus jolis, à côté.

Je suis calme, mais lorsque j’entends des talons claquer sur ma gauche, je sens mon cœur partir plus vite. Je croise le regard brun de la femme en blouse blanche, et je me lève. Elle termine ses derniers pas, puis me fixe.

– Mademoiselle ?

– Oui.

– Nous lui avons fait un lavage d’estomac, et je suis au regret de vous informer qu’il a bel et bien avalé son bulletin de naissance.

– Ah, je vois.

– Nous avons récupéré les morceaux, mais je crains qu’ils soient trop fichus pour les scotcher de nouveau ensemble.

– D’accord.

– Souhaitez-vous les incinérer aussi ?

– Non, que le corps, s’il vous plaît.

– Et le bulletin ?

– Recyclez-le, il aurait apprécié le geste.

– Très bien… Souhaitez-vous le voir ?

– Quoi, le bulletin ?

– Non ! Mademoiselle, vous comprenez la situation ?

– J’ai compris que vous vouliez me montrer le bulletin.

– Ça ne sert à rien, de voir le bulletin !

– Ah.

– Alors, vous souhaitez le voir, ou non ?

– Je préfère attendre mon frère pour ça, si possible. J’aurais peur de ne pas le reconnaître, toute seule.

– Très bien, je reviendrai vers vous..

Alors qu’elle se détourne, je la regarde s’éloigner. Sa cape blanche virevolte derrière elle, mais elle n’aura rien sauvé, dans mon cas. Je ne suis pas choquée, la personne est morte depuis longtemps. Son corps en a terminé en mangeant son bulletin de naissance, et derrière lui ne restent que des souvenirs. Heureux ou qui me détruisent, pourtant j’y tiens. S’il a dévoré sa naissance, j’ai absorbé sa présence. Tout semble pourtant si lointain, et je ne garde que l’oasis de nos jours heureux.

Mon père est un mirage.

Esprit