Ce premier axe s’articulera, comme nous l’avons mentionné autour des facteurs liés à la «Révolution industrielle», qui marqua et modifia en profondeur le XIXe siècle. C’est notamment le cas des chemins de fer, qui furent le résultat d’un développement technologique particulièrement important qui jalonna le «siècle Romantique». En effet, ils eurent dès les années 1820, un retentissement particulièrement important en Europe, cependant, malgré cet «enthousiasme ferroviaire» suscité par les autres pays européens, il fallut attendre en France, la fin du règne du roi Louis-Philippe. En effet, l’imposant financement que représentait les voies ferrées, la situation du pays et les conjonctions politiques, amenèrent donc la France à réaliser «boom ferroviaire» à partir des années 1840. A cet effet, le réseau ferroviaire français se développa tout au long du Second Empire, notamment grâce à l’impulsion des six grandes compagnies ferroviaires privées, qui dès la deuxième moitié du XIXe siècle, se partagèrent la totalité des voies ferrées françaises.
En effet, comme l’illustre notre champ d’étude, la liaison ferroviaire du Gaillacois et plus largement celle du département du Tarn, fut réalisée par la «Compagnie des chemins de fer du Midi et du Canal latéral à la Garonne». Cette dernière représenta en conséquence, la principale entité en lien avec les chemins de fer au sein du département du Tarn. A cet effet, nous allons donc nous intéresser aux liens entre les infrastructures de transports ferroviaires tarnaises et le vignoble gaillacois, qui représente avec le bassin minier de Carmaux l’une des principales activités économiques du département à cette période. Comme nous l’avons mentionné antérieurement, la «Compagnie des chemins de fer du Midi et du Canal latéral à la Garonne», s’implanta dans le département du Tarn et fut plus singulièrement l’instigatrice de la «Grande ligne» achevée le 16 Avril 1865, rattachant de facto l’important poste militaire qu’était la ville de Castres. A cet effet, l’État français comprit dès lors l’intérêt stratégique et commercial que pouvait procurer le développement des voies ferrées dans ce département. Dans cette intention, c’est à partir de l’année 1864 que le train et les infrastructures liées à ce dernier se développèrent dans le centre rural de Gaillac. Cependant, avant l’arrivée du chemin de fer, le vignoble gaillacois transportait «le fruit de leur labeur» grâce au Tarn et à son activité portuaire. Effectivement comme le mentionne Pierre-Jean ARNAUD, la première moitié du XIXe siècle fut le «dernier souffle vivace» de l’activité portuaire tarnaise, qui avec près de deux cent bateaux employés à la «descente» acheminait le vin mais aussi le bois essentiel pour la tonnellerie jusqu’à Bordeaux.
Par conséquent, l’arrivée du chemin de fer et parallèlement l’inauguration de la gare de Gaillac en 1864 annoncèrent le glas de l’activité portuaire, qui malgré le danger qu’elle symbolisait, était le principal moyen d’acheminement des marchandises depuis des siècles. Néanmoins, le développement du réseau ferroviaire de Gaillac et parallèlement, la sûreté et le gain de temps qu’il généra, entraîna une profonde mutation de l’activité économique locale. Comme en témoigne la rue de la Madelaine, qui avant l’arrivée du chemin de fer était un quartier peu fréquenté et qui devint par la suite un lieu de «passage obligé» pour «aller et venir» à la gare. Par conséquent, la ville s’enrichit progressivement et devint prospère économiquement, elle a donc su parfaitement s’adapter à cette innovation, puisque la surface vinicole cultivable au sein du terroir gaillacois, passa de 16 000 ha en 1850 à près de 17 000 ha en 1879. De surcroît, cette extension démontre parfaitement les conséquences de l’arrivée du chemin de fer et les nouveaux débouchés qu’il engendra. En revanche, cette augmentation de la production viticole gaillacoise et ce rayonnement économique fut brutalement interrompu par l’arrivée du phylloxera, qui s’étendit à l’ensemble du terroir de Gaillac vers 1884. Cette maladie de la vigne originaire des États-Unis, causée par un puceron ovipare ravagea le vignoble de Gaillac et plus largement, le vignoble français. Selon les archives départementales du Tarn, c’est près de 46 500 ha détruits sur 60 000 ha. Pour tenter d’inhiber la maladie, plusieurs tentatives furent expérimentées et ces dernières se basèrent notamment sur les chemins de fer.
En effet, lorsque les syndicats d’agriculteurs unis aux savants tentèrent d’éradiquer cette «crise viticole», ils s’appuyèrent tout d’abord sur l’efficacité du réseau ferroviaire afin de faire parvenir au sein du vignoble gaillacois dans un premier temps les insecticides. Puis face à la résistance de ce «puceron ravageur», les compagnies ferroviaires facilitèrent l’acheminement de plants de vigne américains, qui naturellement résistants à la maladie permirent après avoir été employés comme porte-greffe, de replanter le vignoble. Le chemin de fer symbolisa donc d’une part, une innovation source d’enrichissement pour le vignoble de Gaillac qui, grâce à celui-ci, a pu étendre son terroir et de surcroît accroître sa capacité de production. D’autre part, le réseau ferroviaire représenta, un véritable moyen d’action contre toutes éventuelles crises, notamment en raison de sa rapidité. Comme en témoigne la crise du phylloxera où le chemin de fer s’est révélé être le moyen de transport salvateur, ayant permis l’approvisionnement des vignobles français en plants de vigne américains. Pour conclure, la viticulture française et à une échelle plus modeste, le vignoble de Gaillac ont su s’adapter aux bouleversements technologiques entraînés par l’arrivée du train.
Cependant, ces derniers durent également s’accommoder aux autres bouleversements du XIXe siècle, notamment celui associé à l’industrialisation. C’est ce que nous allons développer ultérieurement, en nous intéressant à l’outillage du vigneron et à l’éventuelle mutation que ce dernier subit durant le «siècle Romantique».