Renouveau économique et culturel du vignoble

Il est nécessaire de préciser qu’au niveau de Gaillac, et plus particulièrement à propos de l’essor économique de son vignoble, que celui-ci est réalisé postérieurement aux crises générées par les maladies de la vigne. Cela nous permet d’employer et de justifier le terme de «renouveau», notamment à propos du domaine économique. De manière générale, on observe une réelle et concrète augmentation de la production viticole et de la consommation de vin à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle et notamment au début des années 1860. Cette augmentation débouche logiquement sur un essor économique dont les raisons sont multiples et ont parfois un lien avec un aspect social. Tout d’abord, l’oïdium, comme nous l’avons mentionné antérieurement, ralentit la production viticole : à Gaillac c’est plus de la moitié du vignoble qui est touché en 1852. À l’échelle nationale, la production chute environ de 29 millions d’hectolitres en 1852 à 11 millions d’hectolitres en 1854, soit une perte d’environ deux tiers.

Il est également important de préciser que simultanément à ces crises, la population urbaine est en pleine augmentation (elle passe de 9 millions d’habitants en 1851 à 12 millions en 1881). Cet accroissement de la population entraîne donc naturellement une augmentation de la demande urbaine pour la consommation de vin. Or, comme nous le développerons dans une partie ultérieure, nous verrons que Gaillac est touché tardivement par la crise du phylloxéra, ce qui lui permettra donc de s’enrichir (notamment auprès des mineurs de Carmaux). De plus, la hausse des salaires pour certaines catégories sociales, donc parallèlement la hausse du pouvoir d’achat, entraîne à son tour une augmentation (multipliée par deux) de la consommation de vin dans l’hexagone (le vignoble gaillacois va pouvoir une nouvelle fois bénéficier de cet avantage).

« Vue du pont de Gaillac » par Firmin Salabert en 1877
Source: https://www.musees-midi-pyrenees.fr

Subséquemment, en 1866 la France exporte trois millions d’hectolitres de vin. Or, c’est deux fois plus qu’en 1840, on s’aperçoit donc que le pays s’ouvre à de nouveaux marchés. On peut donc s’interroger sur le rôle du vignoble gaillacois dans cette exportation et donc éventuellement s’interroger sur l’enjeu économique que représente ces nouveaux marchés pour l’avenir économique du vignoble. De plus, c’est en 1875 que la France atteint ce que l’on pourrait appeler «l’âge d’or» du vin ou bien ce qui pourrait s’apparenter à l’apogée de la production viticole française. Effectivement, la production nationale est alors de 84,5 millions d’hectolitres de vin, soit un record. De surcroît, la surface d’exploitation de la vigne atteint elle aussi un record, soit environ 2 500 000 ha.

Le XIXe siècle marque un tournant économique et culturel pour le vin de Gaillac. Les anciennes fermes de polyculture de taille réduite évoluent progressivement vers des exploitations uniquement viticoles dissociant la grange-étable du logis. Les parties autrefois destinées à la viticulture étaient secondaires car peu rentables, l’élevage ou la polyculture étaient les activités centrales et nécessaires mais au début du XIXe les améliorations techniques ainsi que l’apparition de nouveaux moyens d’exportation (chemins de fers) et la concurrence bordelaise affaiblie, le vin de Gaillac a une place à prendre sur le marché. Ainsi le vin de Gaillac, qui n’était jadis qu’un vin de coupage pour le Bordelais devient un vin à part entière.

Finalement, Gaillac et son vignoble connaissent une véritable construction culturelle au XIXe siècle qui lui est propre. Tout d’abord, à travers la peinture la culture gaillacoise peut se refléter à travers quatre personnalités : Firmin Salabert et Raymond Tournon, père et fils, et Henri Loubat. C’est à travers ces quatre peintres qui représenteront chacun à leur tour la ville de Gaillac et ses environs, que se construit l’image de la ville. Certaines de leurs œuvres sont de nos jours entreposées au musée des Beaux-Arts de Gaillac. La ville participe ainsi à la conservation de son patrimoine culturel. De plus, à la fin du XIXe siècle, Ernest Chalou écrit la « Galhagola », qui est un véritable hymne en occitan dédié à la culture viticole de Gaillac. Cet hymne constitue encore de nos jours un véritable symbole de la culture viticole gaillacoise puisqu’il est encore chanté lors de la fête du vin mais aussi lors d’événements réunissant les membres de la Confrérie de la Dive Bouteille du vignoble de Gaillac.

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