Le commerce sur le Tarn et la Garonne et nous l’avons vu assez actifs. Pour comprendre la suite, il faut se replonger dans le contexte politique de l’époque. En effet, le Royaume de France est divisé en principautés plus ou moins autonomes et Bordeaux ,et de manière plus générale la Guyenne, et sous influence anglaise. Ainsi, les jeux de pouvoir font que les relations entre ces entités peuvent être compliquées.
Bordeaux pour se protéger de la rivalité des autres vignobles, fait à cette époque-là preuve de protectionnisme économique, phénomène absolument pas rare, et pour décrire ce phénomène, on parle des « privilèges de Bordeaux ». Bordeaux étant l’interface qui sert à l’exportation du vin à l’international, Gaillac doit trouver des mesures pour pouvoir tout de même exporter par Bordeaux. Cette protection, Bordeaux l’a établie avec les jurats. Les jurats ce sont l’équivalant des consuls à Gaillac et ils représentent l’autorité municipale. Ces derniers ont mis en place un système efficace de protection en privilégiant la vente de leur vin, très apprécié dans le Nord de l’Europe. Ces mesures sont complétées par des exemptions fiscales pour les producteurs de vin de Bordeaux (ce que fait par exemple Jean-Sans-Terre en 1214) qui pourront ainsi proposer un prix plus compétitif. Une dernière mesure est prise, celle de retarder l’arrivée des vins à Bordeaux, c’est chose faite en 1241 où Bordeaux décide d’interdire la venue des vins en amont de Saint-Macaire avant la Saint- Martin (soit le 11 novembre). Bordeaux continue dans cette voie en créant deux entités, le Bas Pays, dont elle fait partie et le Haut Pays, dont Gaillac fait partie. Ainsi le Bas Pays est privilégié à la différence du Haut Pays.
La guerre de Cent Ans vient aggraver la situation pour les vins de Haut Pays, Edouard III (roi d’Angleterre) renforce cette prohibition en 1373 et ces vins ne pourront pas décider la Garonne avant la Noël. Cette situation déstabilise les vignobles de Haut Pays avec des productions taxées et qui ne peuvent être exportées qu’au départ des flottes de printemps, quand le prix des vins est au plus bas. La reconquête française n’y change pas grand chose, en 1453, Charles VII souhaite abolir ces « privilèges de Bordeaux » mais la ville menace de se rebeller et l’interdiction de descendre les vins avant la Saint-André (30 novembre persiste). Pire, en 1462, Louis XI déplace cette date de nouveau à la Noël.
En réaction à cela, une instance est introduite au Conseil du roi par les pays en amont de Saint-Macaire et elle aboutit à la transaction du 23 mars 1500 qui marque l’adoucissement des mesures, notamment pour Gaillac et elle pourra envoyer ces vins dès la Saint-Martin à condition de les vendre après la Noël pour l’Angleterre et après la Saint-André pour les autres pays.