Une tradition de la bière supplantée par le vin

Une production de bière à domicile qui se dévalorise au profit du vin et de son commerce

La réputation des « Gaulois amateurs de vin » n’est pas née d’hier : on trouve une première référence à cet amour inconditionnel du vin chez Platon dans Les lois où il mentionne ce peuple « barbare ». Au Ier siècle avant J.C. Tite-Live affirme quant à lui dans son Histoire Romaine que c’est par amour du vin que les Gaulois sont venus jusqu’à Rome, et l’ont finalement pillé en 390 avant notre ère.

Le développement du commerce du vin se fait avec le port de Marseille, colonie grecque fondée par les Phocéens aux environs de 600 avant J.C. Marseille devient dès le Ve siècle l’un des principaux ports de Méditerranée occidentale. Pour acheminer le vin vers le nord, le Rhône a joué un rôle majeur. Ces importations de breuvage étaient d’une telle importance qu’elles ne pouvaient exister que suite à une forte demande. Majoritairement importé à ses début, le vin bien qu’apprécié doit pourtant cohabiter avec la bière de fabrication locale.

Entre le Ier et le IIIe siècles, la Gaule fut témoin d’un essor considérable de sa production de vin. Cette production devient alors une étape à part entière de la vie des paysans. Du Ier au Ve siècle, on constate une consommation disparate entre les plus riches et les pauvres, et si les uns préfèrent boire du vin italien ou gaulois soit pur, soit mélangé avec un peu d’eau, les autres se contentent de bière, souvent accommodée de miel. Les vins de l’époque semblent avoir eu une nature forte et un goût âpre, sûrement à cause du traitement du vin en lui-même, mais aussi des amphores qui le contenaient.

Au Ve siècle la boisson la plus ordinaire est encore la bière de céréales, dont la cervoise est une catégorie fabriquée à base d’épeautre ; ou le kourmi à base d’orge fermenté. Les habitudes des Francs sont encore à l‘hydromel, bière mêlée de miel1, bien que le contact avec le monde méditerranéen les entraînent inexorablement vers l’usage du vin.

Le passage s’est effectué quand, entre le VIe et le VIIe siècle, des mesures sont prises par les moines pour limiter le vin, et prohiber l’ivresse. Le vin devient l’apanage des élites, des invités de marque et du roi. A l’époque carolingienne une synthèse originale s’opère donc entre les régimes des peuples barbares et romains. Ainsi, le vin domine dès lors très nettement la bière, dont l’image reste associée au peuple, aux pauvres ou aux esclaves.

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  • 1GAUTIER, Alimentation médiévales, du V au XVI siècle, Ellipse, Paris, 2009, p. 120.