Parmi les méthodes de conservation des vins étudiées au milieu du XIXe siècle, le chauffage des vins a fait l’objet des plus grandes controverses, notamment au sujet des pratiques de Pasteur, d’autant plus que celui-ci oriente le plus souvent ses études en fonction des sollicitations de l’empereur Napoléon III.
A partir des années 1850, les vignerons du Sud-Ouest héritent du savoir-faire des frères Argand en matière de distillation des vins. Grâce à ce nouveau traitement physique par chauffage, la famille Privat a l’idée de chauffer les vins avant de les coller pour en extraire un liquide dépourvu de matières indésirables (dépôts). En 1863, par crainte que les nouvelles maladies des vins ne viennent altérer la production viticole, Napoléon III demande à Pasteur de consacrer ses recherches à l’élaboration d’une technique de chauffage en réponse à ces menaces. En conséquence, et d’après les études de Pasteur, deux nouveaux procédés sont mis en évidence pour la seconde moitié du XIXe siècle : le premier doit être réalisé à température modérée (à l’air libre), entre 25°C et 30°C et permet un vieillissement de la couleur en apparence (couleur pelure d’oignon), méthode déjà utilisée par les négociants du midi, car les vins en apparence vieux sont vendus plus cher. Le second, nécessite une température plus élevée (en bouteille ou fût fermé), entre 50°C et 75°C, et ne doit pas dépasser une dizaine de minutes. Selon Pasteur, ce deuxième procédé, qu’il qualifie de « purement physique »[1] assurerait une conservation des vins « infinie »[2]. Il ne s’agit pas d’une modification artificielle puisque la couleur et les caractéristiques organoleptiques ne sont pas modifiées. Cette seconde méthode, préférée par Pasteur est régit par trois principes : le premier est de garantir le vin contre toutes les
maladies, le second consiste à ne pas modifier les propriétés naturelles du liquide et le dernier est de proposer un appareil à chauffage à un prix attractif.
En peu de temps, et grâce à deux atouts scientifiques majeurs (connaissances microbiologiques et outil d’observation : le microscope), Pasteur impose sa méthode de conservation des vins par chauffage et fait avancer le savoir en matière de fermentation alcoolique avec sa théorie vitaliste sur les levures. Cette méthode, connue aujourd’hui sous le terme de « pasteurisation » (terme adopté en 1867) est un remède contre les maladies qui viennent perturber le goût.
Néanmoins cette méthode ne connaît pas un succès immédiat, notamment dû à l’épisode du phylloxéra, et il faut attendre la fin du XIXe siècle pour qu’il y ait un regain d’intérêt en faveur du travail de Pasteur. Gayon, professeur de chimie à la faculté des sciences et directeur de la station agronomique de la Gironde approfondit la théorie de Pasteur en démontrant que les vins à plus faible degré ont besoin d’une température plus importante lors du chauffage. Il contribue à l’expansion de la Pasteurisation en affirmant que « grâce aux nouveaux appareils de chauffage disponibles sur le marché, la pasteurisation est une opération devenu pratique, sûr et peu coûteuse »[3]. Gayon dresse une liste incomplète des nouvelles machines disponibles mais celle-ci suffit à démontrer l’influence du machinisme sur le monde vinicole.
Ainsi, comme nous pouvons le constater, la pasteurisation favorise une industrie des métaux. C’est en somme la recherche physique qui conduit à l’évolution de l’industrie et permet ainsi d’apporter un nouvel élan au phénomène scientifique s’intéressant à la fermentation alcoolique.
Sous l’influence de Gayon, la pasteurisation s’inscrit dans une nouvelle pratique de l’œnologie que l’on nomme préventive.
[1] Pasteur « étude sur le vin-sur le procédé de création des vins par le chauffage préalable ». P.304.
[2] Ibid. P.304.
[3] Gayon « expérience sur la pasteurisation des vins de la Gironde »