Le vin partout et pour tous

Le vin dans le monde religieux

Le vin a depuis des siècles une dimension spirituelle : dans la religion catholique, il symbolise le sang du Christ. Il apparaît durant chaque messe lors de l’Eucharistie, l’un des sept sacrements reconnus par l’Église catholique. Le vin est seulement bu par le prêtre car les fidèles ne prennent généralement que l’hostie, petit pain symbolisant le corps du Christ. Cet usage se serait imposé à partir du XIIIe siècle, pour « éviter qu’un fidèle maladroit risque de renverser le sang du Christ » (Marc VENARD, La religion dans la France moderne, p. 49). Les fidèles communient très rarement, seulement une fois par an, après s’être confessé, durant la période de Pâques.

L’époque moderne est le théâtre de controverses entre catholiques et protestants au sujet de la place du vin durant la messe : pour les catholiques le phénomène de transsubstantiation est réel, le vin se transformant

La dernière Cène, 1505

réellement en sang du christ durant la messe. Les protestants s’opposent à cette croyance car pour eux lors de l’Eucharistie, le vin reste du vin, il est simplement le symbole du sang du christ. En d’autres termes, les protestants nient la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Le Concile de Trente, qui dura de 1545 à 1563, réaffirme ce dogme dans la religion catholique, intensifiant le culte de l’Eucharistie elle-même. Dans la Bible, de nombreuses enluminures représentent la Cène, première fois que le Christ institua l’Eucharistie avec ses apôtres, comme ci-contre.

Le besoin en vin est donc très important dans chaque paroisse puisqu’utilisé lors de chaque messe. L’approvisionnement en vin est géré par la fabrique, l’organisation qui entretient les lieux de cultes. De plus, le vin de l’Église provient aussi de la dîme, l’impôt prélevé par l’Église sur tout le monde et sur tous les biens de la terre et de l’élevage. Ainsi, cette « grosse dîme » est prélevée en masse puisque la plupart des paysans possèdent leurs propres vignes. L’Église, grâce à cet impôt, rapporte le raisin dont les clercs ont besoin pour le vin de la messe.

Le vin utilisé lors des festivités

En premier lieu, les fêtes religieuses sont l’occasion pour les habitants d’une paroisse d’assister à un office et à une procession. La Pentecôte et la Fête-Dieu donnent lieu, par exemple, à de grandes processions générales. La Fête-Dieu rassemble toute la population autour du Saint-Sacrement. On commémore ainsi la présence réelle du Christ dans le sacrement de l’Eucharistie, à travers le pain et le vin. Le vin tient alors une place prédominante puisqu’il est mis à l’honneur.

Les célébrations politiques font aussi partie de la vie du peuple. Elles sont organisées lors du passage dans la cité du souverain, des membres de sa famille ou des représentants de son pouvoir.
Durant son séjour, le roi reçoit ou visite les principaux corps et institutions de la ville. Il participe aussi aux fêtes privées et aux réjouissances publiques. Cependant, ces fêtes, même si elles sont organisées en l’honneur du roi, proposent aussi des divertissements populaires. Le vin tient une place importante lors de ces festivités car il est bu en très grande quantité lors des banquets mais aussi dans la rue. En effet, des fontaines de vins sont établies sur les places de la ville et permettent aux pauvres et à tous ceux qui le souhaitent de boire gratuitement. C’est donc un moment de partage où le vin est consommé en grande quantité partout et par tous. C’est aussi une manière de souder la population autour du pouvoir royal.

Les fêtes privées et corporatives, quant à elles, ne sont que des événements isolés. En effet, les notables fortunés organisent parfois des fêtes destinées à un public plus large que leurs amis mondains pour montrer leur puissance. Cependant, le vin est consommé par les amis des notables, tout le monde n’y a donc pas accès.

Les fêtes telles que Noël, Mardi Gras, Pâques fleuri ou autrement dit les Rameaux, la Saint-Jean, ou bien la Saint-Michel, sont autant d’occasions dans l’année de festoyer autour de grands festins et surtout de litres de vin. Dans le tableau ci-dessous nous avons l’illustration des excès de ce type de fête.

Le vin à la fête de la Saint-Martin, 1565-1568

Mardi gras est l’une des plus importantes fêtes populaires car c’est un temps de ripaille où tous les excès sont permis. On se remplit de crêpes, de beignets, de viande, de porc, de charcuterie et bien-sûr de vin. Le carnaval réunit ainsi toutes les classes sociales, des plus favorisées aux plus modestes. De la même façon, la fête de la Saint-Caprais, la fête du vin nouveau, est en moment de divertissements profanes. Ce jour-là, les participants vêtus de costumes de couleurs différentes, forment un cortège autours d’un « roi » monté sur un âne qui goûte le vin de l’année.

Le vin comme médicament

À l’époque moderne, l’eau est très polluée et porteuse de maladies. Elle véhicule de nombreux virus responsables d’épidémies digestives. Toulouse, comme les autres agglomérations, est traversé par un grand fleuve, mais la ville manque d’eau potable. En effet, les nombreux puits publics sont comblés pour des raisons d’hygiène car les riverains ont l’habitude d’y jeter des ordures. Quant à l’eau du fleuve, elle est aussi polluée par les égouts et les teintureries. Le vin, et notamment la piquette, apparaît donc comme une alternative à l’eau polluée. Ainsi, seuls les plus pauvres boivent l’eau des rivières et des puits. Dans de telles conditions, le vin est donc considéré comme un médicament sérieux. Il est énormément utilisé dans les hôpitaux. En effet, le vin rouge, coupé avec 50 % d’eau, est donné aux convalescents. Il a pour vertu de fluidifier le sang. Quant au vin blanc il est utilisé par la pharmacie pour les remèdes et les injections dans les cas d’hydrogène.

C’est alors que se pose la question de la qualité du vin, étudié en médecine. Entre 1560 et 1630, ce sont les médecins qui analysent les vins en se fondant sur la théorie des humeurs. Ils distinguent tout d’abord les inconvénients et les avantages de chaque robe des vins. En effet, le vin blanc est considéré comme peu nourrissant et diurétique. Alors, que le vin rouge lui, nourrit beaucoup le sang. Enfin, le clairet ou rosé a un usage quasi-universel car il prend les avantages de l’un et de l’autre. Ensuite, la saveur et le goût ont leur importance. Les vins acres et corrosifs sont à éviter, sauf pour favoriser les urines. L’âge a aussi son importance puisque les vins nouveaux sont considérés comme nocifs à la santé car trop acides, et les vins vieux comme sans force. Les médecins recommandent alors l’âge médian. Ainsi, de nombreux remèdes à base de vin existent à cette époque, chacun jouant un rôle différent. En effet, il est utilisé chaud comme nettoyant pour les ulcères et désinfectant, mais aussi comme boisson énergisante et fortifiante.

Enfin, les populations françaises boivent du vin à tout âge car il est vu comme un analeptique. En effets, on a pour habitude de donner une goutte de vin aux nouveaux nés pour les fortifier. C’est le cas notamment lors de la naissance du roi Henri IV.