Le vin est utilisé pour différents usages dans la société du Bas-Moyen Age. Il fait donc partie intégrante de la vie des contemporains de cette époque. Le vin en raison de sa consommation et de ses usages multiples, occupe une place centrale dans la vie de ses contemporains.
Vin et société
Aussi bien aujourd’hui qu’au Moyen Age le vin joue un rôle important au sein de la société. En effet, de tous temps cette boisson a été vecteur de cohésion sociale. Ainsi, le vin permet, souvent, de rassembler des individus mais également de façon moins fréquente de les distinguer. On verra en quoi le vin permet de rassembler mais aussi d’éloigner les individus.
Quels que soient les ordres des personnes concernées le vin contribue au rapprochement et au dialogues. Le clergé, et notamment les moines, se regroupent ainsi autour d’une table, lors des repas communs, où ils y boivent, souvent, du vin. La noblesse organise des banquets où elle rencontre et échange. Le vin constitue un élément important du repas. Le peuple, quant à lui, se retrouve plutôt dans des tavernes, bondées, où les clients discutent et boivent un vin souvent aigre et de mauvaise qualité. Certains religieux ou rois très pieux, à l’image du roi Saint Louis, considèrent les tavernes comme des lieux de débauche, et les feront vider tous les soirs. Pour autant, ces établissements resteront, encore, fréquentés. Ainsi, tous les ordres utilisent le vin pour créer des liens sociaux, que ce soit à travers les banquets pour la noblesse, les repas communs pour les religieux ou encore à la taverne pour le peuple.
Ceci est d’autant plus frappant dans la pratique des vins d’honneurs, qui vise à recevoir son invité en lui offrant un vin prestigieux. En effet, à travers cette pratique, les nobles mais aussi les hauts dignitaires du clergé s’assurent de combler leurs invités. Cependant, ces vins d’honneurs ont un but. Dans les entrevues diplomatiques, notamment, les vins d’honneurs permettent de mettre en de « bonne condition » l’ambassadeur, l’émissaire, pour s’assurer d’une meilleure entrevue. Mais ces vins servent surtout à témoigner, auprès des invités, de la richesse de leur hôte. Ainsi, offrir un vin réputé et donc de qualité sera perçu comme un signe de richesse et de puissance.
Le vin est effectivement un moyen d’exposer sa richesse. En effet, cette boisson, à cette époque, est le plus souvent produite et consommée dans une même aire géographique. Les vins réputés, sont majoritairement produits par des religieux, (des moines en général) mais aussi sur les terres de grands seigneurs (les vins de Cluny ou de Bordeaux par exemple). Ces vins sont déjà très connus et sont importés, dans la France entière mais aussi à l’étranger, en Angleterre entre autres. Pour autant, ceux-ci sont élaborés avec plus de finesse et de rigueur. En outre, le transport est, à cette époque, très compliqué en raison des mauvaises routes et de l’insécurité qui y règne. Tout ceci contribue à gonfler, très rapidement, les prix des vins de qualité. Ces grands crus sont réservés à l’élite médiévale qui souhaite avec leurs consommations aux banquets ou lors de réceptions exposer leurs prestiges et leurs richesses auprès de leurs convives. Ainsi, le vin est-il un vecteur de cohésion sociale mais aussi un élément de différenciation sociale perceptible à travers la qualité du vin consommé ou les mêmes façons de consommer les mêmes façons que se soit entre les ordres ou au sein même de ceux-ci.
Société et religion sont profondément confondues au cours de notre période. Ainsi, il est important d’étudier le vin sous le point de vu de la religion.
Vin et religion
L’Église avait beaucoup d’influence sur la population du Moyen Age. Cependant, le peuple a conservé des rites païens. Les vendanges font partie de ces rites. C’est une fête marquée par des chants et des danses. Le clergé tente d’interpréter ces rites en faisant références aux écrits de la Bible. Pendant cette période le vin est au cœur des festivités paysannes. Les moines sont eux-mêmes des viticulteurs.
En effet, ils suivent un calendrier agro-liturgique souvent représenté dans les églises ou les cathédrales. On le retrouve dans la cathédrale de Chartres, « le grand vitrail[…] des travaux champêtres déroule le cycle du vin, de la taille en mars à sa consommation en décembre » (GARRIER, 1998, p.54)
Les moines clunisiens et cisterciens suivent la règle bénédictine mais sont, eux aussi des viticulteurs, férus d’oenologie. Ainsi, pour faire face à la difficile question de la conservation du vin, ils n’hésitent pas à construire des caves pouvant contenir 2 000 pièces de vin. Au XIe siècle, ce vin issu de la production des moines sert pour la messe et pour leur consommation personnelle. Cependant, certaines abbayes vendent le surplus de la production, « les quatre abbayes de Saint-Arnould, Saint-Clément, Saint-Symphorien et Saint-Vincent se partagent les vignes et la vente du vin » (GARRIER, 1998, p.57). Dans le Tarn, à Gaillac, l’abbaye bénédictine de Saint Michel possédait son domaine viticole. Les évêques ont, de leur côté, eux le contrôle des cépages les plus réputés.
Le vin est donc surtout produit pour devenir un vin de messe. A partir du XIIe-XIIIe siècles, le prêtre est le seul à pouvoir le boire. Plusieurs hypothèses sont émises par les historiens pour connaître la couleur du vin de messe. Certains pensent que cela est du vin blanc mais les textes de la fin du Moyen Age parlent de vin rouge. Il doit être rouge car il doit représenter le sang du Christ. En effet, l’épisode des noces de Cana montre la première sacralisation du vin. Cependant, le vin a une portée plus large dans la religion. Lors de la Passion du Christ, il est associé à la rédemption. Dans l’art, la représentation du pressoir mystique montre le Christ dans un pressoir à la place de la grappe de raisin pour être pressé. Le pressoir mystique est un des trois thèmes qui lie le vin et la religion, les autres thèmes sont la messe de Grégoire le Grand et la fontaine de vie. Dans chacune de ces représentations, le sang du Christ s’écoule dans un calice. Ces représentations rappellent l’histoire du saint Graal qui serait le calice dans lequel le Christ et ses apôtres ont bu le vin de la Cène et ce même calice a servi à Joseph d’Arimathie pour récupérer le sang du Christ. Enfin, le vin est présent dans la Bible avec l’épisode de la Cène où le Christ associe le vin à son sang et le pain à son corps. La Cène est rappelée à chaque messe lors de l’eucharistie.
Le vin est aussi utile lors d’autres cérémonies comme les relevailles de la mère. C’est une cérémonie qui permet au prêtre d’autoriser la mère à revenir à l’église après son accouchement.
Notons encore que le lien du vin avec la religion se perçoit aussi dans la protection spécifique que certains saints accordent à la vigne, comme Saint François d’Assise.
Le vin est également en lien avec la santé. Le vin permet d’améliorer le quotidien mais sert aussi de médicament. Ce dernier aspect est appuyé par la religion qui permet de donner un aspect « magique » à la boisson.
Vin, alimentation et médecine
Le vin au bas Moyen Age est utilisé en cuisine pour améliorer l’alimentation du quotidien. Il est curieux de voir qu’à cette époque on préfère consommer le vin ayant tourné à l’aigre. On peut y ajouter des épices pour permettre la conservation de l’aliment et réchauffer également l’organisme de l’individu. On dit également que l’usage de cette boisson dans la cuisine permet de protéger les individus des maladies incurables en trempant les aliments dans cette boisson. Ensuite, on l’emploi avec des fruits ou bien des viandes dans la cuisine, pour « attendrir » ces aliments. On fait aussi de « nombreuses marinades préalables à la cuisson des viandes » avec le vin. Il existe différents types de vins selon le plat préparé à cette époque. Par exemple, on utilise du vin blanc pour les volailles et du vin rouge pour les poissons.
Le vin utilisé comme médicament au bas Moyen Age est consommé à tout âge. Les enfants consomment ce breuvage pour leur permettre de se vermifuger (soigner contre des vers intestinaux). Les personnes âgées l’emploient comme un remède à l’arthrite ou à la perte de cheveux. A cette époque, on préfère donc le vin à l’eau car cette dernière est souvent impropre à la consommation et donne des maladies.
Cette boisson fait aussi « uriner, guérit les frissons des fièvres intermittentes, guérit aussi les morsures de serpents, fait sortir l’enfant mort » (FLANDRIN, 1996, p. 494). Le vin permet également de soigner des blessures de guerres, en y trempant le membre blessé. De plus, le vinaigre issu du vin est fort apprécié en cuisine, et peut soigner des fièvres.
La peste noire qui fait de nombreuses victimes à cette époque est soignée avec du vin car, dans l’imaginaire médiéval, le vin est considéré comme médicament pour cette maladie. Il existe d’autres moyens de combattre ces épidémies en effectuant des saignées ou en prenant des bains chauds.
Le médicament connu à cette période est l’hypocras. Ce dernier est un médicament à base de vin, de miel et d’épices. Il permet aux personnes qui terminent un grand banquet de faciliter la digestion.
Enfin, un abus trop important de cette boisson, l’alcoolisme, peut engendrer des maladies. En effet, toutes les classes sociales sont concernées par cette addiction. Le vin prit en trop grande quantité « nuit au foie, au cerveau et aux nerfs, engendre la paralysie, le tremblement, les convulsions, l’apoplexie, et la mort subite» (GARRIER, 1998, p. 93). De plus, les vins noirs produits avec des raisins rouges et une longue cuvaison, sont fortement déconseillés. Ces derniers peuvent mener plus rapidement à des maladies incurables. On recommande donc aux individus de couper ce vin avec de l’eau.