Au XIIIe siècle, dans le Sud-Ouest sont fondées de nombreuses bastides sous l’influence notamment de Raymond VII de Toulouse ou bien de Alphonse de Poitiers. Dans un premier temps il est nécessaire de définir ce que l’on appelle « bastide » puisque ce mot comme tout autre a plusieurs sens. La bastide serait donc une « ville neuve, fondée par le roi ou un seigneur suivant un plan préétabli, servant de centre de peuplement et aussi de refuge en cas d’attaque. » selon le CNRTL. Nous allons donc ici nous intéresser aux causes de l’avènement de ces villes neuves dans le Sud-Ouest au XIIIe siècle. La première cause de la fondation de tant de bastides est la croisade contre les albigeois. En effet, en 1208 le pape Innocent III adresse une lettre circulaire aux habitants du royaume de France. Cette encyclique appelle tous les fidèles à mener une croisade contre des hérétiques implantés dans la région d’Albi.
Le pape veut que le comte Raymond VI de Toulouse fasse partie de l’expédition contre les cathares, seulement ce dernier refuse de massacrer ses sujets. Cette croisade sera donc nommément dirigée contre ce dernier qui sera excommunié pour protection des hérétiques et accusé de l’assassinat du légat du pape, Pierre de Castelnau. Au final Raymond VI n’a pas le choix et décide de se croiser car il sera pour lui impossible de lutter contre toute la féodalité européenne. Il veut à court terme récupérer ses fiefs. Le roi de France Philippe Auguste ne s’engage pas militairement, cependant il use de son influence pour convaincre les grands féodaux à le faire comme le duc de Bourgogne par exemple.
Carte des possessions du Midi en 1209 à la mort de Raymond V.
En 1222, en pleine croisade contre les Cathares, Raymond VII succède à son père Raymond VI, il cherche à affirmer son autorité en créant les premières bastides. Il les implante en Albigeois, terre meurtrie par la croisade afin de reloger ses sujets.
Le traité de Meaux-Paris marquant la fin de la croisade en 1229 scinde l’Albigeois en deux le long du Tarn, l’Est est donc cédé au domaine royal et l’Ouest au comte Raymond VII. Ce traité prévoit aussi le mariage de la fille de ce dernier avec Alphonse de Poitiers (frère de Saint-Louis) après la mort duquel le reste du comté sera annexé par le royaume de France. Ainsi le comte de Toulouse cherche des positions géopolitiques et stratégiques pour y installer des villes neuves défensives, mais non fortifiées, les bastides. Ainsi sous Alphonse de Poitiers, après la mort de Raymond VII en 1249, sont fondées une cinquantaine de bastides tout au long de son règne. Par la suite Eustache de Beaumarchais administre le comté au nom du roi de France et poursuit la création des bastides. Cette deuxième génération est composée de villes neuves, ancrées en plaine, pour la plupart, et près des axes de communication. Elles profitent de l’essor économique offert par le commerce.
Il est important de préciser qu’il existe une standardisation dans la façon dont sont organisées les bastides bien qu’aucune ne soit identique. Ce n’est qu’au début du XIIIe siècle que les villes neuves sont construites en masse, puisque bien avant le vignoble commercial s’était déjà développé dans les centres urbains issus des bourgs monastiques. Le XIIIe siècle est celui de la naissance de nombreux concepts, notamment celui de la rationalité géométrique et identifiable dans l’architecture des bastides puisque ces dernières sont étalonnées. Les bastides en plus de permettre d’affirmer la puissance seigneuriale avaient une forte vocation commerciale que l’on retrouve dans leur structure aussi bien architecturale que »instutionnelle » elle aussi étalonnée. Tout d’abord les bastides sont régies par des contrats de paréage, favorisant bien entendu énormément le commerce puisqu’ils évitent ainsi les querelles d’intérêts entre les seigneurs, ce contrat prévoit aussi les limites de la bastide ainsi que son organisation. Les contours de la bastide sont généralement orthogonaux, pour revenir à l’exemple de la bastide de Lisle sur Tarn, cette dernière accueille une large place centrale couverte à vocation marchande, de plus elle profite de ses deux ports et connait donc un développement urbain important. La place centrale est une caractéristique immuable des bastides, elle est réservée aux marchés et aux foires, d’où son rôle économique essentiel à leur essor, plus ou moins général, dépendant de leur capacité à avoir sû tirer profit du rôle prépondérant du vin dans le commerce gaillacois.
Certaines mesures sont prises comme par exemple, « tout ce qui est à vendre doit d’abord être amené sur la place ». Cette dernière joue également un rôle administratif, elle acceuille la maison communale, les decisions d’organisation ainsi que juridiques y sont prises par divers représentants comme les consuls (choisis par les habitants) et le bayle (représentant royal). Les bastides sont d’autant plus importantes qu’elles permettent au seigneur de valoriser sa terre. Afin d’attirer la population à s’installer dans la bastide, sont établies des chartes de coutumes énumérant des privilèges accordés aux futurs habitants comme des allègements fiscaux, des mesures honorifiques, etc. De telles chartes permettent donc un fort enrichissement des seigneurs qui gagnent une main d’oeuvre considérable permettant une agriculture prospère et des rentes importantes du fait du commerce qui s’exerce au sein de la bastide. Les terres cultivable appelées arpents sont situées à l’extérieur de l’enceinte de la bastide, tandis qu’à l’intérieur on trouve des jardins potagers. Les terrains à construire sont standardisés, ce sont des lots de dimensions identiques. Une organisation donc assez »carrée » qui connait quelques améliorations afin d’exacerber la vocation commerciale de la place de la bastide, notamment puisque plus tard des halles apparaissent de manière à protéger les marchands des intempéries ainsi que du soleil.
Ce plan de la bastide de Brens nous montre bien que tout converge vers la place centrale située sur les chemins d’entrée et de sortie de la ville neuve.
Une organisation des bastides que l’on peut donc qualifier de rigoureuse puisqu’elle est dotée d’institutions lui permettant de régir un certain nombre d’aspects nécessaires à son bon fonctionnement autant commercial que social, avec des cadres juridiques établis par des représentants royaux et de la noblesse locale. À retenir que la bastide est donc organisée de façon à répondre aux besoins économiques et donner une place centrale, dans le gaillacois, au commerce du vin.